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206 LOUISE LABÉ. Maints grans seigneurs à mon amour prétendent, Et à me plaire et seruir prêts se rendent, Ioutes et jeux, maintes belles deuises En ma faveur sont par eus entreprises ; El néanmoins tant peu ie m'en soucie, Que seulement ne les en remercie. A la suite de ces fêtes et de ces hommages si éclatants et si distingués, elle rentrait sans doute dans son cabinet se distraire par l'étude des plaisirs si vides de la société d'alors. On se plaisait à rendre visite h une femme qui, dans une vie toute de loisirs studieux, donnait l'idée d'une dixième muse, qui recevait les humbles avec beaucoup de bonté et de pré- venance, et les grands avec une noble indifférence. C'était aussi une manière de formuler et de comprendre les lois de l'égalité, dont le génie sera toujours le premier interprêle. Celte femme n'a pas aujourd'hui déplus grand peintre qu'elle- même, de plus grand historien de sa vie. Ses vers sont aussi ses confessions. Elle se trouva en harmonie avec le monde où elle vivait, elle sut s'y tenir et s'en faire aimer. Louise Labé comprit surtout cette oppression qui pèse sur la femme. Le cas était bien tentant pour s'exhaler en sou- pirs incompris et en strophes désespérées ; elle s'inspire d'a- bord de ses plus beaux vers et ajoute: Permets m'Amour penser quelque folie : Tousïours suis mal viuant discrettement, Et ne me puis donner contentement Si hors de moy ne fay quelque saillie. Elle préféra les fortes et solides amitiés de son voisinage, comme celle du lyonnais Maurice Sceve, aux protections douteuses qui l'eussent pu introduire dans un monde encore plus brillant, elle vécut toujours sous le patronage de celte haute indépendance qui est l'essence même de la poésie. Ces 0