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 372                     ODES ET POÈMES.

 surtout le vide autour de l'homme, c'est le défaut de senti-
 ment religieux. Quelques philosophes, pour expliquer l'union
 de l'ame et du corps, ont eu recours à un principe intermé-
 diaire, à une seconde ame, par laquelle l'élément spirituel etl'é-
 lément matériel entrent en communication. Lareligion est, pour
 ainsi parler, ce principe intermédiaire qui établit les points de
 contact entre l'homme, le monde et Dieu, et les baigne dans
 une môme atmosphère. Lorsqu'on lit les poètes subjectifs du
 commencement de ce siècle, on est surtout frappé de l'absence
 de tout symbole commun de vérité; ils ont rompu autour d'eux
tous les liens mystiques qui font participer l'homme à la vie
générale. Le vieux dogme ne leur suffit plus; ils l'ont rejeté;
ils ont fait table rase dans leur esprit et dans leur cœur, et
voilà pourquoi ils se lamentent si fort ; voilà le secret des
immortelles plaintes de René, dés superbes révoltes de Man-
fred, des sourdes tristesses d'Oberman. Toutefois, le poète
subjectif, tout entier à ses souffrances, s'en tenait à sa table
rase, sans éprouver le besoin de rien édifier dessus, pas même
un château de cartes. Or, le temps est venu pour tout le
monde ou de reprendre la vieille orthodoxie, ou de la renou-
veler ou de formuler un nouveau symbole, mais, à coup sûr, il
faut bâtir quelque chose sur la tablerase; il faut dresser, ne fût-ce
qu'une idole, dans le temple que le scepticisme a fait désert. La
réaction religieuse qui nous déborde, les tentatives socialistes
si multipliées et si explicites manifestent l'universel besoin
d'affirmation qui tourmente les esprits. Il devient, ce nous
semble, assez évident que d'harmonieux gémissements ne suf-
fisent plus à notre génération.


          Lève-toi, Dieu maudit les races accroupies
          Des stagnantes cités respirant l'air mauvais,
          Le doute et le repos aujourd'hui sont impies ;
          Homme, sache trouver ce qu'enfant tu rêvais !