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DANS LE IJKAM1Î. 07 les idées de la société, parce qu'ils devancent le monde où ils s'écrivent. Le sort de toutes les idées n'est-il pas celui-ci ? Préchées avec exaltation et souvent avec excès, adoptées avec enthousiame, repoussées avec fureur , elles ne restent guère sous la forme que leur avaient imprimée leurs inventeurs, mais elles tombent dans le monde, dans les esprits préparés pour les recevoir, qui les modifient, les élargissent et les perfection- nent : les systèmes sont renversés, il est vrai ; on croit avoir triomphé de novateurs insensés, et on est nourri de leurs idées, on a l'ame imprégnée de leurs doctrines. En faut-il un exemple ? Les Saint-simoniens et un grand romancier ont prêché, les uns en apôtres, l'autre en victime, contre l'ins- titution du mariage, telle que nous l'avons aujourd'hui. Ce- pendant, l'institution du mariage est restée debout, et, heu- reusement, et il devait en être ainsi; mais, pour cela, la cause de ses adversaires a—t—elle été tout-à -fait perdue ? Pas da- vantege. Un principe, qui servait de base à toutes les atta- ques, s'est développé; je veux parler de l'égalité de la femme; sa dignité comme épouse, sa sublimité comme mère, ont été relevées, et aujourd'hui ces pensées sont devenues banales et porteront leurs fruits, soyez-en sûrs. C'est ainsi que le progrès s'avance par des voies différentes de celles où l'homme, manœuvre aveugle, voulait le diriger ; nouveau Protée, nos variis eludit formis, mais il subsiste en se transformant, et l'œil attentif découvre aisément la retraite où il se cache. Quoi ! parce que le drame moderne tue ses personnages sur la scène, au lieu de les tuer dans la coulisse, et que l'on ne se suicide pas encore souvent en place publique, le drame ne représente pas notre société? On s'est toujours tué sur le théâtre. Pourquoi? Mon Dieu, parce que la mort nous touche comme la haine, l'amour, la colère, et puis parce que c'est un dénoùment après lequel on ne peut rien de-