page suivante »
PT VICTOR DE LAPRADE. 215 nous viendront toujours de vous. Chaque fois que les bruits de la terre feront silence dans notre cœur, et que le soleil in- térieur s'y lèvera ; quand nous serons tous réunis dans une même pensée de poésie et de vertu, alors votre douce image nous sera présente et viendra sourire au milieu de nous com- me autrefois. Recevez donc ce livre ; il a été écrit sous vos yeux ou en face de votre souvenir. Sans doute ces vers ne renferment que de pâles ébauches de la poésie que vous portiez en vous; tels qu'ils sont vous les auriez aimés pourtant, car nos croyan- ces communes les animent, et le saint amour de la nature vit en eux; vous les aimerez encore de là -haut : ils vous apprendront que je suis resté fidèle au culte que vous m'avez enseigné. Ami, la triste consolation de fermer vos yeux et de mener votre deuil ne nous a pas été accordée. Une terre étrangère vous recouvrait déjà , quand l'affreuse nouvelle nous est par- venue. Vous êtes mort loin de nous, en nous appelant sans doute! La pensée de vos derniers instants déchire mon cœur. Votre tombe est lointaine, mes genoux ne s'y sont pas en- core posés, peut-être ne la toucherai-je jamais. Vous n'avez pas dans votre patrie une pierre qui garde votre nom; je veux l'écrire dans ce livre, à défaut d'un monument plus solide. Une main plus puissante vous aurait sculpté une image indélébile, moi je ne puis vous dresser qu'une croix rustique, taillée dans ces forêts où nous adorions ensemble l'Invisible. Autour d'elle, ceux qui vous ont connu se réuniront parfois dans votre pensée, jusqu'au jour où nous pourrons vous re- trouver ailleurs que dans nos souvenirs. Alors, dans l'aurore de la vie nouvelle, nous irons tous deux, aux clartés du soleil idéal, nous abreuver à ces sources d'inépuisable poésie que nous cherchions en vain au pied des plus grands chênes et des plus hautes montagnes. Jusqu'à cette heure nous reste-