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370                     ODES ET POÈMES.

lible stérilité. La source de l'inspiration comme la source de la
vérité, la source de la vie spirituelle ou terrestre, n'est pas dans
l'homme, elle esthorsdelui.il doit se lever, cherchera l'entre-
voir, s'avancer vers elle, la puiser partout; c'est la tâche qui lui
a été imposée. Que s'il s'enferme tristement dans sa person-
nalité, si fleurie qu'elle soit à son matin , bientôt le vent de
l'âge, le soleil plus ardent, sécheront la rosée sur les fleurs;
la poussière des chars qui longent les murs de son enclos va
blanchir ses gazons arides ; alors il penchera la tête dans sa
main, et se laissera aller au découragement ; la plainte aura
peine à arriver jusqu'à ses lèvres; le poète objectif, au con-
 traire, obéissant aux vraies lois de la nature humaine , se
lèvera pour aller embrasser l'objet de son culte, le Dieu d'où
il lire sa poésie, il ira se renouveller ailleurs.
    M. de Laprade a donc bien fait de se délivrer des chaînes
de la subjectivité. Il ne nous a raconté ni ses malheurs, ni ses
joies, ni ses amours, et nous l'en félicitons; tant d'autres ont
 essayé de se daguéréotyper dans un roman ou dans une élégie
 que nous avons été enfin charmé de nous retrouver face à
 face avec l'austère figure de la muse. Malheureusement le
public a tellement été habitué à partager les confidences pri-
vées du poète, que lorsqu'il ouvre un livre où celui-ci ne
 chante ni ses regrets ni ses espérances, il est non seulement
 étonné, mais disposé a lui imputer à crime son désappointe-
 ment. Aussi nous nous persuadons que l'absence de l'élément
 élégiaque dans les œuvres de M. de Laprade csl l'unique
cause du reproche qui lui a été adressé de ne pas émouvoir,
de ne pas intéresser le cœur. Cet engouement pour la subjec-
 tivité a envahi jusqu'à l'esprit des critiques ; on les voit s'effor-
cer aujourd'hui d'immobiliser ce courant de subjectivité qui a
 traversé notre siècle.Sans doute, ils proclameront la poésie clas-
sique sèche et insuffisante. Mais ils sont très près de se déclarer
satisfaitsde cette pe tite poésie élégiaque et sage qui a cours à pré-