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120             CÔME, LE LAC ET SES BORDS.

touchait que le moins possible el du bout de l'orteil! Encore
quelques ballets, quelques couronnes, quelques recettes....—
passez-moi le mot—et, au moment où vous croirez surpren-
dre la danseuse, bondissant de Lisbonne à St-Pêtersbourg,
vous apprendrez qu'une douce brise vient de la déposer sur
ces rives, légère et blanche comme une plume tombée d'un
cygne. Quelle est donc cette femme gracieuse et court-vétue
qui glisse si légèrement là-bas sur l'azur des flots ? C'est la
Sylphide qui va visiter la Norma. — « Sonnez , cors et mu-
settes ! »
   Et, tenez, tandis que je vous parle, voilà M"e Essler qui part
à tire-d'aile pour Milan, où elle doit danser cet hiver. |Elle
sera là tout près de la tentation. Qui sait si elle ne sera pas
bientôt prise d'un grand ennui du théâtre et d'un irrésistible
désir de fixité? Elle a encore, je le sais, toute souplesse, toute
énergie et toute grâce ; un sourire infini sur les lèvres et mille
tourbillons charmants dans toute sa belle et gracieuse per-
sonne; mais enfin il vient un moment où les planches se dé-
robent sous les pieds les plus légers et les plus sûrs ; où l'on
éprouve le besoin du repos, l'envie de se croiser les bras....
et les jambes; et alors, au moment où vous vous y attendrez
le moins, au moment où vous croirez votre belle et ferme
danseuse, occupée à recueillir les applaudissements et les dol-
lars du nouveau monde, vous entendrez dire tout-à-coup
qu'elle a dételé de son char les sénateurs Américains, et
qu'elle s'en vient enfin prendre retraite sur les bords du lac
des fées, c'est-à-dire du lac de Côme.
  Une chose à remarquer, c'est que, de nos jours, les artistes
ont de ces pensées, de ces prévoyants calculs d'ordre et d'éco-
nomie, qu'on appelle vulgaires, et qui n'étaient pas du tout
communs autrefois parmi eux. Ils finissaient jadis par quel-
que obscure et pauvre retraite, par quelque infime emploi
de théâtre; ils finissent aujourd'hui par la villa! ce sont les