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EN OISANS 38) laissant loin derrière nous sottises, misères et banalités de la vie qu'emporte le vent. O Alpes, que j'aimais vos murs de rochers et vos champs de glaces, et vos fureurs jamais vaincues, et votre souffle qui me courbait devant vous et la grande voix de vos orages ! O mon bâton, ma hache à glace, ma corde, mon sac où je mettais tout mon bien! vieux serviteurs, vieux compagnons dans les luttes pour la vie, que de peine en vous quittant ! Souvenez-vous comme moi de notre bonheur intime ! Dans les années à venir, quand le temps et les chagrins auront ridé mon cœur et mon front, que votre voix me rappelle, un jour, à l'heure où par-delà les monts, le soleil se lève, rougissant les cimes blanches et dissipant les brumes des vallées. Revenez, oh revenez, et dites-moi : Enfin nous voilà , c'est nous, les vieux amis en qui tu avais confiance. Vois-tu ce pic qui étincelle tout là -haut, viens, nous allons le gravir... comme jadis ! Viens, nous y chercherons avec toi l'empreinte du chamois, et la renoncule glaciaire, et les lointains bleutés du ciel sans limites, et les soirs empour- prés, et la pensée de Dieu, et tes souvenirs, et tes amours et ta jeunesse ! Théodore CAMUS.