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64 BIBLIOGRAPHIE la sensation de la réalité. Si quelques-unes paraissent trop éclatantes et riches en couleurs, ce n'est pas l'imagination de l'écrivain qu'il faut taxer d'exagération, mais plutôt cette lumière étincelante et ces paysages de l'Orient, dont le relief et la magnificence étonnent les regards habitués aux tons gris d'un ciel terne et presque toujours nébuleux. Le P. Didon excelle à opposer la surhumaine douceur de Jésus à la cruauté hypocrite et froidement calculée de ses adversaires. Les chapitres des grandes luttes à Jérusalem et de la mort du Christ sont remar- quables. Tout le livre est écrit avec une conviction sincère et un ardent amour, où se trahit l'admiration de l'homme pour le Fils de Dieu. Faut-il parler du style ? Son principal mérite est dans la clarté, la vigueur et le mouvement. L'orateur se devine derrière l'historien, et la chaleur de son âme passe plus d'une fois dans les pages où il fixe sa pensée encore brûlante des ardeurs de la contemplation. Quelquefois même il oublie de se contenir ; sa parole n'offre plus alors un exutoire suffisant aux noms, aux dates, aux faits, aux images, aux allusions qui gonflent son esprit et l'oppressent. Sa phrase, fiévreuse, turbulente, presque incorrecte, se pare de mots qu'elle fait sonner comme un collier de grelots. Je n'en cite qu'un exemple, emprunté à la page 9. Il s'agit du paganisme. « La conscience n'a rien à espérer du vain culte de cet univers et des * divinités qui l'emplissent. Quelque nom qu'elle invoque, n'est-ce pas « toujours la grande Nature inconsciente qui la presse de toutes parts « sous le poids de ses énergies, qu'on ne lui apprend pas à dompter? « A quoi bon les eaux lustrales, les aspersions sanglantes des tauro- « boles ou des crioboles, les hécatombes et le sang des taureaux de la « grande déesse et des béliers d'Attis ? A quoi bon ces initiations aux « mystères, quel que fut leur nom ou leur provenance ? Ceux des « Cabires, de Bacchus et de Cérès, d'Osiris ou de Mithra, à Phila;, à « Eleusis, à Samothrace, à Lesbos, en Crète, à Rome ? Quand les « initiés revenaient de ces cérémonies, lorsque, conduits par l'hiéro- « phante, la tête ceinte d'une couronne de myrte et purifiés par l'hy- « dranus, ils avaient revêtu la nébride, regardé derrière le voile des « temples et celui des mythologies, qu'avaient-ils vu, qu'avaient-ils « senti dans ces nuits lumineuses ? » Heureusement peu de passages sont, écrits avec cette verve de pytho- nisse. En général la pensée plus calme revêt une expression plus limpide.