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280                    « PAUCA PAUCIS »

       Dans un joint du vieux mur, sous une large pierre,
       Le grain, le grain obscur a levé lentement.
       Sans trêve, chaque jour forçant le dur ciment,
       La racine a poussé l'invisible tarière.

       C'est un euphorbe. — Il croît. — La plante meurtrière
       Donne aux yeux étonnés un éblouisseraent.
       Émeraude et velours font un fouillis charmant,
       Où la gamme des verts s'épuise tout entière.

       Comme un funeste amour dans le cœur infiltré,
       L'arbuste au plus profond du mur a pénétré.
       Les deux ne sont plus qu'un dans leur multiple étreinte.

       Arrachez ce poison !... — Et le pic effilé
       Fouille et refouille au sein de l'étroit labyrinthe.
       — Le poison est détruit. — Le mur est écroulé.


  Dites-moi, maintenant, si jamais poète a touché plus
délicatement à l'appareil lugubre de la mort :

       Non, ce n'est pas la mort, c'est le mourir qu'on fuit !
       Ce n'est pas l'inconnu troublant de ce qui suit ;
       L'horreur est tout entière en ce qui la précède.
       O Dieux ! n'eussiez-vous pu la faire un peu moins laide !
       Il eût été si doux de glisser dans la nuit
       Entre deux bras de lait, sur une épaule tiède !


   Le meilleur moyen de faire connaître ce volume de vers,
serait de multiplier les citations. Il n'aurait rien à craindre
de la monotonie du procédé ; je ne sache pas de poésie qui
soit moins exposée à ce reproche. Je tiens à mentionner ici
les Deux Poésies non seulement parce que le morceau m'est
dédié, mais parce que la première partie est, à mon sens,
un des plus beaux poèmes du livre, sinon le plus beau :