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imitées des ghildes du Nord. Cette institution des compagnons se
développe durant tout le XVIIIe siècle ; elle survécut même à la corpo-
ration, pour céder la place aux syndicats ouvriers actuels, dont l'esprit
d'antagonisme contribue efficacement à fomenter et entretenir la division
dans le domaine du travail.
   Malgré cela, les ouvriers n'articulaient aucune plainte, et la question
ouvrière n'existait pas, au moment de la Révolution française, car on
n'en trouve aucune trace dans les fameux cahiers de 1789, et certes il
y avait alors une telle passion de réformes pour l'amélioration du sort
des hommes que les doléances ouvrières, si elles avaient été formulées,
n'auraient point passé inaperçues. Dans la nuit du 4 août 1789, corpo-
rations, jurandes et maîtrises, avec tous les privilèges, furent supprimées
en masse et remplacées par la liberté individuelle du travail : c'est le
régime sous lequel nous [vivons aujourd'hui. Au point de vue social,
cet état d'isolement de l'homme, face à face avec la liberté, vaut-il
mieux que la discipline inflexible des collèges antiques tempérée par le
christianisme ou que l'esprit de solidarité défensive des corporations
médicéristes et du compagnonnage ? Du moins, cet état nouveau est-il
protégé par une législation sagement appropriée aux besoins qu'il
engendre ? M. Léger passe en revue les tentatives imaginées depuis cent
ans pour donner satisfaction au travail national. La mine au mineur !
L'usine à l'ouvrier ! La terre au laboureur ! Hélas ! des expériences
diverses, durables et décisives ont montré que cette forme d'émanci-
pation conduit fatalement l'ouvrier européen à un égalitarisme envieux,
à une servitude des plus pesantes et à la plus noire misère : la formule
à la mode n'est donc qu'une triple utopie, et, avec les difficultés crois-
santes de l'industrie qui exige de jour en jour plus de décision, plus
d'unité, plus de ressources, le problème de la coopération productive,
sauf des cas particulièrement exceptionnels, paraît aussi insoluble que
complexe.
   Où se trouvera donc la situation de la question du travail et de la
paix sociale? Sera-ce dans des conférences internationales ou des res-
crits impériaux ? Mais quel est le souverain qui peut commander à la
consommation, à la production, pour assurer le jeu normal du travail
et des salaires, une somme de quinze à vingt millions par jour, néces-
saires aux besoins immédiats de la population ouvrière d'une nation !
Il faut évidemment être de son temps, mais il faut aussi savoir observer
et tenir compte des faits, et c'esl en cela que M. Léger a fait preuve