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NOTES SUR LE SALON 215 Les serviteurs infidèles se sont enfuis, après avoir brisé les coffres de fer, éventré les aumônières de velours et les sacoches de cuir remplies d'or, arraché les pierreries des hardes royales, et seul dans l'abandon de tous, dans cette vaste chambre vide et dévastée, demi-nu, la tête et le buste dans la poussière, les pieds encore retenus dans les drape- ries bouleversées du lit royal, un cadavre tordu, exsangue et hideux, c'est là tout ce qui reste de ce monarque, hier encore, « puissant et redouté. » C'est cette scène où planent l'épouvante et la mort, que l'artiste a rendue avec une vérité saisissante. Est-elle complètement vraie? Il y manque un détail, his- torique cependant, que le peintre n'a pu ignorer, qu'il a probablement systématiquement négligé, la corpulence du héros normand. M. Maignan a craint le contraste de la réalité terrible de son sujet avec l'obésité, cette fatalité du corps. Nous ne saurions l'en blâmer, l'extrême laideur est admis- sible en art comme repoussoir des belles formes et des lignes harmonieuses, mais je ne sais guère que quelques Flamands ou Hollandais qui n'aient pas reculé devant la représenta- tion de certaines infirmités humaines, douloureuses ou gro- tesques, comme élément du succès qu'ils espéraient pour leurs œuvres. M. Van der Oudera, a envoyé une grande page histo- rique où il a reproduit avec sa conscience d'archéologue et d'artiste, une scène du Moyen Age à Anvers, la Répression du parjure. Au pied de la croix dressée au carrefour de la rue de Steen, menant à la prison du même nom, le coupable est agenouillé, assisté d'un prêtre. Les magistrats, groupés der. rière lui, lui lisent la sentence qui le condamne. La troupe