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A TRAVERS LA KABYLIE 61 Arabes, l'islamisme a eu, pour les uns comme pour les autres, les mêmes résultats désastreux ; il leur a imposé, entre autres, la dégradation de la femme. Pour le maho- métan, qu'il soit Kabyle ou Arabe, la femme n'est jamais qu'une esclave, un jouet dont on s'amuse, qu'on brise dès qu'il déplaît, qu'on change ou plutôt qu'on achète ou qu'on revend à volonté. Le prix varie en Kabylie de 50 à 1,000 francs ; le prix moyen est de 300 francs, la moitié du prix d'une mule. La polygamie est moins fréquente chez les Kabyles que chez les Arabes ; mais la misère seule en est la cause ; plusieurs femmes coûteraient trop cher. La répudiation permet, d'ailleurs, de remplacer la polygamie simultanée par la polygamie successive. Un grand nombre de femmes sont répudiées au moins une fois. Jeune, la femme musulmane ne songe, comme son maître, qu'à satisfaire ses caprices ; vieille, et la vieillesse pour elle suit de bien près la jeunesse, elle devient, quand elle n'est pas chassée du logis, une servante à laquelle le maître impose les travaux les plus rudes, les services les plus rebutants. Un homme revenait du marché de Sétif, avec un mulet et deux femmes, l'une jeune, l'autre vieille. Arrivé dans la campagne, il rangea la bête à côté de la vieille qu'il fit courber ; et la jeune, mettant le pied sur l'échiné de la vieille, avec autant d'aisance qu'elle aurait fait sur une borne de la route, s'élança lestement sur le mulet. Dans quelques années elle servira à son tour de marchepied (p. 173-176 et s. 183). « Envoie donc ton mari chercher des remèdes », disait une personne charitable d'Alger à une femme Kabyle gra- vement malade. « Il ne veut pas », répondit-elle mste- ment. Il me dit : « Dépèche-toi de mourir, parce que je veux en chercher une autre » (p. 182).