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224 NOTES SUR LE SALON le domaine de la mer. Le remorqueur vomit la fumée par sa noire cheminée, ses roues frappent les flots de leurs palettes haletantes. Ils s'ouvrent à regret devant l'effort enragé du petit navire tout noir de charbon, entraînant la grande coque blanche, inerte et ballotée, qu'il sauve du naufrage. Le Brouillard en rade de Bordeaux, de M. Raoul Brun, un artiste de grand talent, habitué de nos Expositions Lyon- naises, contraste d'une façon très intéressante, avec le tableau mouvementé de M. Weber, par le calme engourdi où la brume, Circé des eaux, emprisonne le ciel, la terre et la mer, et toutes les choses qui y sont contenues. Il est grand temps que je m'arrête. Dans cette revue rapide et trop longue encore, fruit de nombreuses visites au Salon, où j'ai cherché à étudier les toiles qui m'ont paru les plus intéressantes, je n'ai certes pas tout vu, et je n'ai pas la pensée de donner mes appréciations comme défini- tives, j'ai pu passer sans les voir, devant beaucoup de tableaux dignes d'être regardés, analysés et signalés. À l'heure où j'achève ces lignes, ma mémoire me rappelle, trop tardivement, plusieurs œuvres ayant une vraie valeur, involontairement omises dans ce compte rendu, tableaux, dessins et sculptures. Chacun juge comme il peut et comme il sent : telle œuvre qui passionne l'un, laissera l'autre froid. C'est pourquoi il se faut garder des jugements extrêmes et au risque d'écrire une étude plus monotone et plus pâle, je me suis borné à indiquer les tableaux devant lesquels il m'a paru que se diri- geaient les préférences, sinon de la foule, au moins d'un groupe important de connaisseurs en fait d'art. R. DE CAZENOVE.