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2l6 NOTES SUR LE SALON
des cavaliers de la maréchaussée locale, forme la droite de
cette vaste composition, très étudiée et fort curieuse à exa-
miner dans tous ses détails variés. Toutefois, l'ensemble
en est quelque peu iroid. L'émotion du drame qui va s'ac-
complir ne se fait pas assez sentir. Chacun des personnages
a l'air d'avoir posé pour son compte, depuis les magistrats
jusqu'aux chevaux, si bien étrillés, si luisants, si gras, qu'ils
ont l'air en porcelaine. Ce qu'il y a de très intéressant dans
cette grande page, c'est l'extraordinaire fidélité des détails,
la conscience avec laquelle ils sont traités par un artiste qui
ne se permet aucune négligence et travaille un culeron de
cheval, avec le même soin que la collerette empesée du
grand prévôt. Je ne saurais mieux comparer son oeuvre
qu'Ã une de ces belles et microscopiques compositions du
xvie siècle, peintes sur vélin, que l'on trouve dans quelques
manuscrits, qui seraient agrandies jusqu'aux dimensions
d'un grand tableau.
C'est une belle et impressionnante étude que celle qu'a
faite M. Krug du peintre Feyen-Penïn à son lit de mort.
Il n'y a là que la tête sur un coussin, un crucifix sur la
poitrine couverte du drap blanc funèbre, et le tout est
contenu dans un petit cadre. Je ne crois pas que la vue du
corps tout entier eût rien pu ajouter à l'effet saisissant dé
cette belle tête qui n'offre plus que le masque décoloré de
la vie et de l'intelligence évanouies pour jamais. L'œuvre
n'attire pas, je sais des gens qu'elle éloigne, mais la réalité
de la mort y apparaît si frappante, que devant cette petite
toile que l'on regarde, involontairement on baisse la voix.
Tout près, à la cimaise, leRuyter enfant, de M. J. Gigoux.
Un petit mendiant, aux orbites caves, aux mains maigres et
humiliées par l'aumône, sa seule ressource de vie, tel l'ar-
tiste a représenté celui qui fut une des gloires de la grande