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212                 NOTES SUR LE SALON

l'angoisse de la supplication, que la sympathie qu'appelle
du fond de nos cœurs toute douleur humaine, remonte
jusqu'à la source des larmes, quand on contemple pendant
quelques instants recueillis, cette œuvre puissante et vivante,
à laquelle je donnerais volontiers le premier rang du Salon.
    Tout à côté, le Dragon vert et jaune de Meissonnier,
aquarelle si vigoureuse et si solide de tons que l'on croit
avoir affaire, au premier coup d'oeil, à une peinture à
l'huile, attire la foule par la grande renommée de l'au-
teur, aussi bien que par le charme de cette peinture savante
qui arrive à la simplicité et au naturel à force de talent et
de virtuosité. Je n'ai pas à me hasarder à faire ici l'analyse,
moins encore la critique d'une œuvre de cet illustre peintre.
Mais ce dragon, usé sous le harnais de guerre, assis avec
tant d'abandon sur sa chaise, entre sa pipe et son verre, est
un type accompli de cette usé cavalerie française où
une fois dans le rang, le soldat ne sortait plus que pour
mourir.
    Je ne pourrais passer sous silence les deux grands portraits
de femme en pied exposés par MM. Sarrasin et Frappa.
    Le premier de ces portraits témoigne chez son auteur
d'un grand effort, marqué par un réel progrès vers la maes-
tria nécessaire pour traiter, avec l'éclat et la distinction
voulue, un sujet où l'écueil est si facile à rencontrer.
    Le tableau de M. Frappa, une nouvelle Dame au gant,
dans son grand manteau de peluche bleue, aux reflets
chatoyants, avec une valeur de composition et d'exécution
que je me plais à reconnaître, a le tort de rappeler de trop
près, plus que celui de M. Sarrasin, certains portraits célèbres
de Carolus Duran. Lorsque l'on rappelle un sujet, il faut le
dépasser, mais je m'empresse d'ajouter combien il est diffi-
 cile de varier les attitudes, autrement que par des accessoires,