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A TRAVERS LA KABYLIE 73 ces premiers succès. » De cet essai malheureux il ne reste plus rien aujourd'hui (p. 113 et s.). Examinons maintenant où en est la question de l'assimi- lation des indigènes. On peut la résumer en peu de mots : l'assimilation n'a fait aucun progrès ; les Français sont détestés, mais ils sont encore craints. Il faut nous garder de croire que les indigènes nous admirent et qu'ils envient le moins du monde notre civili- sation. Peuple éminemment religieux, le défaut de religion les scandalise, et le peu de considération témoignée par les Français au clergé catholique les confond. De plus, ils ne comprennent rien à notre gouvernement. La souveraineté nationale, la représentation du peuple, la responsabilité ministérielle leur paraissent des mots vides de sens. La notion de République, particulièrement, ne peut entrer dans leurs têtes. Les plus intelligents, ceux qui fréquentent depuis longtemps les Français, les cavaliers d'administration, par exemple, s'obstinent, comme les simples indigènes, à ne pas comprendre les explications qu'on leur donne à ce sujet. Le buste placé dans les chambres d'honneur a été baptisé par eux du nom irrévérencieux de madame poublique. Quand on leur répète que c'est la personnification du peuple souverain, ils se mettent à sourire avec des gestes de dénégation, ou bien ils répondent comme répondit un cavalier d'administration à son chef : « Toi ! obéir à une femme ! Maboul les Français ! Ah Maboul ! » (p. 47-49). Les Français sont encore craints; mais c'est uniquement parce qu'ils sont les plus forts. Non seulement la conquête, mais aussi la répression prompte et vigoureuse de toutes les insurrections qui l'ont suivie, ont convaincu les indigènes qu'ils ne pouvaient pas nous résister. Mais, chose remar- quable, s'ils renoncent, pour le moment, à nous combattre,