Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                      ÉP1TRES D'ANGE POLITIEN.            i !9

un appartement, qui communiquait avec les jardins par
une porte secrète, que Laurent avait fait pratiquer pour
 son usage personnel; c'est là que Pierre fit appeler l'a-
 gent de Louis Sforce, tandis que l'envoyé de Charles VIII,
placé secrètement derrière la porte, pouvait entendre toute
leur conversation. Mais les détails donnés à Charles sur
cette entrevue, ne changèrent en rien ses dispositions et
ne purent détourner l'orage prêt à fondre sur Florence.
Charles s'étant avancé, à la tête de ses troupes, sur les
confins de son territoire, avait attaqué Sarzane. Pierre,
se rappelant alors la situation où s'était trouvé son père,
en 1479,— volant à Naples, et s'y remettant au pouvoird'un
ennemi déclaré, pour mettre fin à une guerre qui menaçait
l'Etat d'une prochaine destruction, — crut devoir imiter un
si noble exemple, en se rendant au camp français,pour sup-
plier Charles VIII d'épargner sa malheureuse patrie. Mais la
fortune est femme, etpour elle aussi, les qualités de l'homme
qu'elle aime sont les défauts de celui qui n'a pas ses fa-
veurs. C'est la pensée qu'exprime cyniquement Guiehardin,
en disant : « 11 est dangereux de se guider sur la conduite
et les exemp'es de ceux qui nous ont devancés, à moins que
les circonstances ne soient exactement les mêmes, et sur-
tout à moins que l'entreprise, conduite avec la même pru-
dence, ne soit accompagnée du même bonheur. » Ici la gé-
nérosité de Pierre, égale à celle de son père, ne fit naître
que les railleries des Français, et ne produisit qu'un irré-
médiable malheur.
   « Ceux, qui traitoyent avec lui, dit Phil. de Comines,
m'ont compté, et à plusieurs autres l'ont dit, en se raillant
et niocquant de lui, qu'ils estoient esbahis comme sitôt
accorda si grand'chose , et à quoi ils ne s'attendoyent
point (1). »
   Le lendemain, Ludovic Sforce arriva au camp français,
et Pierre, cherchant à le ramener à des sentiments patrio-

  (1) Phil. de Comines, Mémoires, I. vin.