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56         ,         C1V1TA-VECCHIA EN 1 8 6 8 .

un bain de métal moire des plus riches nuances. Le ciel : un
brasier qui s'étent et passe du rouge vif au bleu obscur. Là des-
sus, la silhouette des forts saillit sombre, nette, plate comme
une ombre chinoise, et la falaise dentelée embrasse la rade
comme les bords d'une coupe pleine.
    Le soleil grandit, descend, et plonge doucement son orbe
écarlate dans le lit de Thétis, dirait M. Prudhomme. Un coup de
canon part de la Fortezza. Les vaisseaux au mouillage répondent.
Il fait nuit.
    Voilà pour le calme. Mais quand siffle l'aigre Tramontane, ou
quand des sommets de l'Atlas, le vent d'Afrique, fécond en tem-
pêtes — creber procellis Africus — s'abat, hurlant, sur la mer
Tyrhénéenne, comment décrire les effets de houle, dé lames,
d'électricité ? Quelle palette faudrait-il ? Virgile a outré les cou-
leurs sans arriver à la vérité. Aucun peintre ne sait bien repré-
senter un orage. Cela se conçoit. Comment reproduire avec des
teintes fixes une scène où tout est mouvement, transformation,
changement de lignes et de tons ? Si l'ouragan restait seulement
dix minutes au sol et au violet, ou au fa et au jaune, ce serait
fort ennuyeux. Donc je vous fais grâce de toute description, et je
vous renvoie àl'Enéïde. Mais, je le répète, si grandiose qu'il soit,
le tableau est inexact. Il faut voir ces rudes batailles des vents et
des flots pour s'en faire une idée juste.
    Le plan de Civita est assez régulier. Un port en fer à cheval, la
convexité vers le large, avec deux entrées, L'une au sud-est,
l'autre au nord-ouest. La corde de l'arc est formée par des cales
couvertes et un quai à murs^crénelés.
    A hauteur de la crête du mur et des combles des calles, sur un
plan légèrement incliné, la ville, percée de longues artères pa-
rallèles au front de mer, reliées par d'étroites ruelles transversa-
les, étage ses hautes maisons à terrasses. Les rues principales sont
bordées de boutiques, de tratorias (restaurants), d'épiceries et
d'officines, où s'étalent dans leur luxe écœurant les tueries des
bouchers et des charcutiers.
  • Grâce aux forçats (ils sont 2500) les rues sont praticables. Un
mot : les forçats, outre les fonctions de balayeurs publics, exer-