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6                           POÉSIE.

        Prenant aux dents les baïonnettes !
    La plaine piétinée et changée en marais,
    Et des bouches mordant la terre des guérets,
        Terribles et déjà muettes !

    Puis, la lune en silence éclaira tous ces corps ;
    Car les vivants manquaient pour dépouiller les morts :
        Et de ces têtes renversées,
    Qui sur un cœur aimé, qui près d'un front charmant,
    Hier peut-être encor, dévidaient mollement
        L'éeheveau des longues pensées ;
    Qu'une mère du moins, pleine de soins jaloux,
    Autrefois endormait avec des chants si doux
        Après les avoir caressées,

    Les vautours au front chauve, ou même les corbeaux,
    Disputèrent aux loups, traînèrent par lambeaux,
         Les chairs livides et flétries !
    Puis, la corruption éloigna les vautours ;
    Et les jours, comme avant, succédèrent aux jours !
         Puis, sortant de leurs bergeries,
    Les blancs troupeaux, conduits par leurs anciens pas-
                                                    [ teurs,
    Sur l'herbe plus épaisse aperçurent des fleurs,
         Et revinrent dans ces prairies !

    Des hommes qui sont morts en ce combat fameux,
    Beaucoup ne savaient pas ce que l'on voulait d'eux :
         Leur cœur était exempt de haines !
    Dans l'un et l'autre camp, peu leur ont survécu ;
    Mais chacun loua Dieu, pensant avoir vaincu,
        Chacun vanta ses capitaines !
    Sur la cause et le but de cette œuvre de mort
    Plusieurs ont disputé, sans se mettre d'accord..,.
        0 gloire ! ô misères humaines !
                                      Ludovic de VAOZELLES.