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             28                         DU SURNATUREL

          possible la supposition de ces lois naturelles propres a tout
          expliquer, il est certain que vous êtes vite 'a bout de votre
          effort métaphysique, que bientôt l'haleine philosophique vous
          manque, et que le fondement a l'existence de toutes les
          choses ne vous apparaît plus que dans une noire impasse ou
          un caligineux abîme (si vous êtes sincère, vous en convien-
          drez), tant que vous ne faites pas intervenir une idée par-
          faitement claire et, selon moi, la plus claire de l'esprit
          humain, l'idée de Dieu, au moyen de laquelle le chaos de
          cette indigeste conception sur l'origine du monde se débrouille
          et s'éclaircit. En bonne philosophie, selon la méthode de
          Descartes, Dieu est la première vérité qui, reconnaissance
          préalablement faite du cogito ergà sum, soit prouvée. Or-,
          voici paraître le surnaturel. Au-dessus de la nature créée
          est Dieu, son créateur. Le plus profond des derniers philo-
          sophes de l'Allemagne, Kant, a parfaitement vu que la créa-
          tion n'était pas un événement, mais seulement ce par quoi
          les événements rangés dans le temps sont rendus possibles,
          et que, dès lors, elle constituait une action surnaturelle qui
          ne pouvait appartenir au cours du monde (1). Ce n'est pas
          tout de concevoir Dieu comme créateur du monde, il faut le
          concevoir aussi comme en ayant le gouvernement, puisque
          ces deux choses sont également les suites de la toute-puis-
          sance divine. Dieu régit son œuvre par des lois qui nous sont
        , dès a présent connues ou que nous pourrons connaître plus
          tard, et cette grande législation mêlée à l'ensemble des êtres
          créés s'appelle, à proprement parler, la nature. Mais cette
          législation elle-même se rapporte a un but, et apparemment
          a toutes les lois naturelles il n'a pas été défendu à Dieu
          d'ajouter ce qui tient au mystère insondable de son dessein
          et a la liberté de sa providence. Et voila encore le surnaturel


              (I) Poé'litz, Leçons de métaphysique de Kanl, trad. Tissol, p. 187.




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