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ET DU MYSTICISME. 37 mettait son empreinte (1). Nous eûmes ainsi de tout temps notre part, comme une contrée favorite, dans la production des fruits d'une délicate ou étrange saveur du mysticisme. Serais-je sollicité d'en venir jusqu'aux jours où nous sommes?Ne pourrais-je pas alors vous nommer Saint-Jean, dont l'admirable pinceau, trempé dans les couleurs les plus fraîches et les plus vives de la nature, peignit tant de fois la rose mystique, d'où un parfum chrétien semblait s'exhaler? Orsel, dont l'austère et doux génie faisait effort pour trans- figurer tout dans une expression d'adorable et surhumaine pureté ? Et Vibert, qui eut toutes ces religions ensemble, la religion de l'amitié, la religion de l'art, la grande religion du Christ ; Vibert appliqué à poursuivre de son burin et à surpasser, s'il se pouvait, le mystérieux idéal déjà fraternel- lement atteint par Orsel, son ami? Quels noms qui réveillent nos douleurs et qui ne peuvent être prononcés sans un nouvel hommage a la mémoire de confrères aimés que nous avons perdus ! Si j'osais même regarder a ceux qui sur- vivent, me serait-il si difficile de trouver au sein de notre Académie tel vrai poète et tel brillant philosophe dont quelques tons mystiques, pris dans les profondeurs de l'âme ou de la nature, servent d'une manière si éblouissante et si heureuse les inspirations (2). Oui, confessons-le, Lyon arrêté au pied de ses deux fleuves et de ses deux montagnes, par les chauds courants que les Alpes ont laissé passer du soleil d'Italie, est une terre de mysticisme. Vous plaît-il que, suivant l'imagination antique, (1) Comme un platonicien dans sa tunique blanche, Replié sur lui-même ainsi vivait Ballanche. Mystérieux penseur, calme et triste à la fois : S'il enseigne à quel prix le bien germe et s'enfante, Ses chants révélateurs semblent d'un hiérophante, Ou la plainte d'Orphée expirant dans les bois. (Brizeux, œuvres complètes, t. n, p. 107). (2) MM. Victor de Laprade et Blanc Saint-Bonnet.