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CONCOURS DE POÉSIE. 1 93 France. Le bégaiement même de la langue poétique pouvait plaire dans des essais informes ou incultes que certaines marques trahissaient comme venant de la jeunesse et du peuple. On sentait qu'en général ces morceaux auxquels il n'y avait pas de place à faire dans les mentions de notre concours, avaient été écrits sous la dictée téméraire et trop rapide de l'enthousiasme national. Ils tenaientdel'impromptu, à en juger par des vers dont l'excès de facilité semblait attester le peu de travail qu'il avait fallu pour les produire. Personne ne sera dès-lors surpris que nous ayons eu à leur appliquer l'observation si fine et si juste du poète Jasmin que « les « impromptus qui sont la bonne monnaie du cœur sont « la fausse monnaie de la poésie. » L'Académie ne disgracie les auteurs de toutes ces compositions qu'en les remer- ciant; elle ne les évince du concours qu'en trouvant encore et souvent beaucoup a les louer. C'est sur quatre des manuscrits envoyés qu'a dû porter principalement notre attention. Une valeur incontestable les faisait distinguer entre tous les autres, et il pouvait y avoir a examiner si l'un d'eux méritait le prix. La pièce n° 1 portant pour épigraphe : II viendra un grand prince et intitulée : L'annexion de la Savoie à la France, ou la nuit du 15 juin 1860, doit nous arrêter quelques instants. La critique a sur elle plus d'une prise très-facile ; mais, somme toute, l'effet ne laisse pas que d'en être saisissant, et l'esprit y est entraîné dans une région napoléonienne favorable a la poésie. C'est une ode martiale qui peut choquer les uns par ses étrangetés, par le drame de sa fiction, par la familiarité de ses allures, ses négligences nombreuses, la chute du langage poétique jusqu'au dicton de bivouac, et qui peut cependant plaire aux autres par un mouvement hardi qui n'est pas dénué de grandeur, par quelque habileté 13