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                             BIBLIOGRAPHIE.                              305
Oui, le lointain des flots semble un lointain des âges ;
Ils portent tous les deux sur leur sein des orages ;
Quand la pensée y plonge, elle y puise à la fois
Des doutes infinis, de sublimes effrois;
Et voyant que l'abîme est toujours sans limite,
Y perd sa propre trace et s'arrête interdite.

   C'est au hasard que je fais ces citations, et ce hasard ne sau-
rait être que très-heureux ; il n'y a pas à choisir lorsque tout est
très-bien. Que de pensées élevées et poétiques dans le beau
morceau que l'on vient de lire ; je ne les relèverai pas en parti-
culier, car il faudrait tout reproduire. Adam est agité par un
rêve funeste qu'il communique à Eve; c'est surtout le sort réservé
à sa race qui l'affecte :

Mais il est une voix qui murmure sans cesse
A mon âme oppressée un long cri de détresse :
C'est celle de ma race, et je l'entends toujours !
Et plus le temps rapide accumule de jours,
Plus ce gémissement que chaque siècle augmente,
Echo de l'avenir, m'en jette l'épouvante.
Ecoute... Dans ce flux l'entends-tu retentir ?
Sais-tu combien de cris vont encor le grossir?
En mille et mille voix la plainte le répète,
Et remonte les temps pour atteindre ma tête.
D'abord quelques tribus , après des nations,
Et puis des flots pressés de générations,
Et dans leur vaste sein d'innombrables familles,
Des pères et des fils, des mères et des filles,
Sur chaque tombe ouverte héritant le malheur (1),

   (ï) J'aime peu, fort peu le verbe hériter, (verbe neutre) avec un régime
direct, mais je reconnais que dans le vers que je viens de citer, M. de Jussieu
lui a très-heureusement donné ce régime qui apporte plus de force et même
plus de rectitude dans la pensée. Ce régime direct a été longtemps pros-
crit ; l'usage s'en est introduit, et plusieurs grammairiens et l'Académie
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