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230 CONCOURS DE POÉSIE. « bons vers. » 11 ne nous déplaît pas d'en juger ainsi avec Voltaire, pourvu que ce soit au point de vue purement esthétique, et toutes sages réserves préalablement conve- nues. Nous ne défendons pas la licence à la Muse pour lui enseigner la pruderie. Tolérons donc chez les poètes, ces insoumis fréquents de la vie commune, ces soldats ou ces officiers de l'imagination, qui a toujours dans sa giberne dorée quelques caprices, tolérons chez les poètes, sous leur responsabilité assez légère, des politiques de fantaisie qui ne ressemblent nullement à la nôtre, ni, par bonheur, à celle de l'État, et qui risqueraient de mettre étourdiment le feu aux quatre coins de l'Europe si elles étaient pratiquées. Cependant, au nom de la justice et du goût, nous qui devons avoir aussi quelque liberté, nous nous croirions permis de donner un conseil ; et les deux poèmes dont nous aurons dans un moment à parler, en feraient naître l'occasion assez opportune. De grâce, qu'on laisse un peu dormir cette anti- thèse violente des rois et des peuples dont on a tant abusé. C'est une déclamation vieillie à laquelle, de nos jours, nous ne prêtons plus l'oreille que pour trouver que les poètes sortent du ton et chantent faux. Les rois? Une certaine poésie, qui date de la fin du siècle dernier, en a fait une personnification chargée de couleurs sinistres, et l'on dirait que ce sont ennemis du genre humain ou puissances de malheur qu'il y ait à tenir en rude et véhémente suspicion de la Muse, par cela seul que le diadème est sur leur tête. Ce sentiment n'est pas simplement faux en lui-même, il est de la plus extrême injustice et de quelque déraison, si l'on regarde aux princes éclairés qui régnent, par nos temps de civilisation, en Europe. Que nous parle-t-on donc de com- plots de rois, de tyrannie des rois, de rois qu'on entendrait déprimer et flétrir par opposition aux peuples. Vous avez plus besoin de la majesté des rois que vous ne croyez. Vous