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LOUISE LABlL 187 qualités qu'elle tenait autant de la nature que de l'éducation, cette seconde nature, parée, embellie, cultivée de la femme; qui ne s'en servit point, disons-nous, pour porter le trouble dans sa ville, la désunion entre amis, voisins ou rivaux, dont le talent ne fut préjudiciable à personne, pas môme à celle qui en fut si largement douée. Je ne suis point (dit-elle) sous ces planètes née Qui m'eussent pu tant faire infortunée. Oncques ne fut mon œil marri, de voir Chez mou voisin mieux que chez moy pleuuoir. Et elle vit dans un milieu social, comme on dirait aujourd'hui, où cette faiblesse est celle de tout le monde, où les caqueta- ges, la médisance, un peu d'envie peut-êlre, des jalousies asssurément très vives, sont le péché mignon du premier venu. Voilà donc un travers de la vie de province mis à nu. On est forcé de voir là l'avide marchand épiant avec inquiétude ce qui se passe chez le voisin, toujours craignant d'être p é - nétré dans ses calculs, devancé dans ses expéditions, forcé de baser un peu sa fortune sur la déconfiture d'un concurrent, acceptant cette nécessité vulgaire du commerce et de l'in- dustrie, et faisant (out son possible pour attirer l'eau à son moulin. Louise Labé n'eut aucune de ces conditions pro- saïques de notre vie quotidienne. Elle était faite autrement. Aussi, nous ne voyons point qu'elle ait augmenté d'une obole sa fortune patrimoniale ; heureuse était-elle d'en avoir une, car, du caractère dont Dieu l'avait faite, il est douteux qu'elle eut jamais songé à en acquérir : Onq ne mis noise ou discord entre amis : A faire gain iamais ne me soumis. Voilà qui est fier en vérité, mais cette fierté se pardonne, parce qu'elle a sa source, non dans le dédain de ce qui