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377 retrouve à l'origine de toute société humaine. Mais la muse lyrique abaisse bientôt son vol et ne larde pas à descendre de ces régions élevées. Consacrée d'abord à Dieu, la lyre l'est en- suite à l'humanité. Ce n'est plus alors l'hymne sacré avec ses élans divins, et ses extases qui transportent le poète hors du monde terrestre, et l'entraînent par de là le temps et l'espace ; c'est l'ode harmonieuse, pompeuse, avec ses jeux d'imagination et son habile délire, servant à chanter les passions ou les ver- tus des hommes. Ce n'est plus David, exhalant en accords mé- lodieux ces immenses désirs qui le portent à se plonger dans le sein de l'Infini. C'est Pindare, célébrant avec l'ardeur du pa- triotisme les cérémonies religieuses et nationales de sa patrie; Sapho, inspirée et ne pouvant plus maîtriser ses transports ; Anacréon, la tête couronnée de roses, chantant l'amour et le plaisir ; Horace, enfin, applaudissant aux éclatants triomphes d'Auguste, deDrususet de Tibère. Considérée sous toutes les formes différentes qu'elle affecte, à l'origine des sociétés aussi bien qu'à des époques reculées, la poésie lyrique a des droits nombreux aux hommages des hom- mes instruits. C'est elle qui entretient dans notre ame ou qui, au besoin, y fait naître les sentiments les plus exaltés ou les plus touchants ; c'est elle qui nous émeut, qui nous anime par les plus puissants effets d'harmonie. Aussi, quels que soient les obstacles qu'ait opposés à sa gloire le scepticisme ou la sécheresse du cœur chez les différents peuples, elle n'est pas morte, pas plus que toute autre poésie. Elle vivra, et vivra glo- rieusement tant que l'humanité subsistera sur la terre. Ce qui la caractérise, c'est une inspiration soudaine, c'est l'enthou- siasme qui ébranle notre ame, c'est l'imagination, c'est l'har- monie : toutes choses dont le sentiment ne disparaîtra jamais complètement du cœur de l'homme. La poésie lyrique, ou plutôt le genre lyrique, est donc en- core aujourd'hui le premier de tous les genres de poésie. Il a