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                        LASSITUDE

D'autres, plus fous encor, gravant sur leur muraille
Ce mot d'Egalité si cher à la canaille,
Hurlent en chœur le nom sacré de : « Liberté, »
Égorgent, en l'honneur de la Fraternité;
Puis, stupides flatteurs de quelque Robespierre,
Se traînent à ses-pieds le front dans la poussière,
Et, du loup qui les mange imbécile bétail,
Se font des vrais pasteurs un sot épouvantail !


   Ah ! je le sais, pourtant, clairsemés d'âge en âge,
On voit de loin en loin, au sortir d'un orage,
Briller des jours de calme et de sérénité.
La paix semble renaître. A sa douce clarté
Le monde se ranime-et relève la tête,
Comme si pour toujours s'éloignait la tempête !
Des chartes et des lois, fruits d'un heureux cerveau,
Demain vont nous donner un âge d'or nouveau,
Et, grâce à ces ressorts en parfait équilibre,
Le genre humain sera bon, vertueux et libre.
Naïf espoir ! Promesse à réjouir les sots
Qui vivent de chimère et se pipent de mots !
Demain l'oisiveté, les plaisirs, la richesse
Vont replonger les cœurs dans l'inerte paresse;
Demain, comme autrefois, à des troupeaux d'oisons
Sophistes et rhéteurs verseront leurs poisons,
Blasphèmes impudents et mensonges funèbres ;
Demain la raison va rentrer dans les ténèbres,
Et cesfierscitoyens, grecs, romains ou français,
Tourneront même roue avec même succès,
Roulant du despotisme à la démagogie,
D'un silence de mort aux fièvres de l'orgie,
El remontant cent fois, Sisyphes insensés,
Les mêmes rocs cent fois vainement ramassés.