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                LA TERRE PLUS VIEILLE QUE LE SOLEIL                    323

exister sans cause? » Et, aux prises avec un pareil problème,
l'esprit le plus rompu à la lutte sent qu'il doit cesser d'analyser : il
doit admettre !
    S'il était nécessaire d'illustrer par des exemples cette division des
hommes de science en deux classes, je citerais le passage suivant de
la préface du savant traducteur d'Aristote, M. Barthélémy Saint-
Hilaire : « Physique, » disait Newton, « garde-toi de la méta-
« physique. » Conseil fort sage, mais qui a besoin d'être complété.
« Physique, » ajouterons-nous, « n'empiète pas sur le domaine de la
« métaphysique, tu t'y perdrais ! » Le physicien admet la force et la
matière, au même titre que le mathématicien admet les nombres, les
lignes et les corps, sans se demander d'où viennent ces idées, ni
leurs objets. Et même ces sciences ne doivent pas, ne peuvent pas
 aller plus loin. Leurs méthodes, infaillibles dans la sphère de leurs
opérations, s'égarent infailliblement, quand elles en sortent. A la
rigueur même, ces sciences pourraient considérer comme n'exis-
tant pas ou comme de simples hypothèses tous les objets qui
échappent à leurs démonstrations. Hypothèses donc les idées,
hypothèse la morale, hypothèse la métaphysique, enfin hypothèse
Dieu lui-même, suivant le mot de Laplace. »
    On connaît l'anecdote à laquelle l'auteur fait allusion. Comme il
présentait au général Bonaparte la première édition de son Exposition
du système du Monde, le général lui dit : « Newton a parlé de Dieu
 dans son livre. J'ai parcouru le vôtre, et je n'y ai pas trouvé ce nom
 une seule fois. » A quoi Laplace aurait répondu : « Citoyen premier
 Consul, je n'ai pas eu besoin de cette hypothèse! » Laplace, comme
 beaucoup d'écrivains de la fin du xvme siècle, se piquait de philoso-
 phie, sans être un philosophe dans le vrai sens du moi. Il répondait au
 premier consul en mécanicien qu'il était, sans que sa science dépas-
 sât les savantes conceptions mathématiques auxquelles il avait dévoué
 sa vie. Dieu, en effet, est une force que la science ne peut atteindre,
 et qui explique toutes les forces sans lesquelles la science n'expli-
 querait rien. Ou, si la science tente d'arriver par ses seules et insuffi-
 santes ressources jusqu'à lui, elle retombe sur elle-même et se
 plonge par faiblesse dans l'athéisme. Cependant, Laplace n'a pas