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                             PHILIPPE LANG                           375

leur principal but était, sans doute, d'acquérir plus sûrement et plus
vite, dans toute l'Europe, une prépondérance financière incontestée.
Ils auraient créé de la sorte une caste dominante, un état dans l'État.
Cette organisation, tenue secrète, ne fut découverte qu'au bout de
trois ans. L'électeur de Cologne, Ernest de Bavière, ébruita le pre-
mier l'affaire. Le conseil de l'Empereur accusa alors les juifs du
crime de lèse-majesté, et chargea les trois électeurs ecclésiastiques
d'instruire leur procès. Mais subitement les poursuites cessèrent :
les juifs avaient su payer à temps une forte somme au valet de
chambre. Il ne fut, dès lors, plus question de procès, et l'électeur de
Cologne en fut pour ses frais.
    Quelques années plus tard, les juifs furent accusés d'avoir fourni
 de l'argent à l'ennemi héréditaire, c'est-à-dire au Sultan. On parla
de les expulser de Prague. Ils ne furent pas même inquiétés, parce
que, disait-on, à côté de l'Empereur, régnait le roi des juifs.
   S'il est difficile de savoir jusqu'à quel point la conduite de Lang à
l'égard des juifs put nuire à l'empereur Rodolphe II, pour un grand
nombre d'autres faits le doute n'est pas permis. Wenceslas Kinsky,
d'une des premières familles de Bohême, exerçait alors la charge de
maître général des chasses. Lang la lui fit enlever et la garda pour
lui. Kinsky embrassa aussitôt le parti de l'archiduc Mathias, qui
s'était révolté contre son frère Rodolphe.
   Une autre fois, Lang causa la perte d'un personnage qui aurait pu
rendre de grands services à Rodolphe II, le feld-maréchal Rosswurm;
mais l'affaire fut engagée à son insu, et, s'il en eut tout le profit, ce
fut sans avoir couru aucun péril.
   Il y avait alors à Prague, en effet, un Italien, le comte François
Barbian de Beigiojoso, qui s'était réfugié en Bohême, sa tête ayant
été mise à prix à Milan, où il avait enlevé une femme mariée. La
mise à prix s'élevait à 12,000 couronnes, et l'amnistie complète était
promise, en outre, à celui qui exécuterait le coup. Un autre banni de
Milan, nommé Furlani, résolut de gagner à la fois la somme et son
pardon.
   Usant de ruse, il mit à profit une brouille qui existait entre
Beigiojoso, sa future victime, et le maréchal Rosswurm, et fit