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                        LASSITUDE                         385
  Mais ce n'est rien encore au prix de ces misères,
Défaillances, affronts, déceptions arrières,
Dont je pleure en moi-même, esclave de mes sens,
Quand mon cœur se consume en efforts impuissants
Pour monter vers le ciel et secouer sa chaîne !

   Épris du bien, parfois d'une ardeur plus qu'humaine,
Sur l'exemple des saints, j'aspire à la vertu.
Mais, ô dérision ! le héros abattu,
Souvent au premier choc, retombe en ses faiblesses,
Découragé, saisi d'indicibles tristesses,
Et, le front abaissé, maudit ses passions!

   fe porte ailleurs mon âme et mes ambitions.
Je rêve de beauté, d'idéal, de sublime.
Je veux prendre l'essor vers quelque noble cime.
Les arts, la poésie ont de si doux attraits!
Si les maîtres pouvaient me livrer leurs secrets !
Mais hélas! Je ne suis Raphaël, ni Virgile ;
Mon chef-d'Å“uvre est commun, ma muse est inhabile;
Je jette de dépit la lyre et le pinceau :
L'aigle présomptueux n'était qu'un vermisseau !

   Si, pour me consoler, je cours à la science,
Je rencontre un docteur d'étrange confiance, •'     -
Prêt à suppléer Dieu, contempteur du passé.
On croirait qu'avec lui le monde a commencé .
Mais la vie et la mort, mais le ciel et la terre
Pour lui sont livre ouvert et n'ont point de mystère.
Il sait tout. Sur ses pas enfin de vérité
Je vais donc m'assouvir. Erreur et vanité !
A peine il entrevoit V apparence des choses :
Mais s'il en veut sonder la substance et les causes,
Sur ses yeux obscurcis s'étend un voile épais :
 C'est l'ombre, c'est la nuit sous, h nom de Progrès!
   N° 53. - Mai 138;.                              2J