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256                     LA REVUE LYONNAISE

en lui jetant à la face le triste souvenir de son origine. Severo
s'élance sur lui pour le frapper, mais à ce moment une femme surgit
qui se charge du rôle de bourreau. C'est Donna Pia qui, cachée der-
rière la châsse de Sainte-Catherine, assistait à la scène, et qui en
vengeant et son propre honneur et son pays, épargne un crime à
son fils. Elle s'immole ensuite en recommandant à son fils d'être le
consolateur du vieux Torelli et de lui laisser ignorer l'outrage que
lui avait infligé Spinola.
   J'ai insisté à dessein sur l'analyse de cette tragédie; car c'en est
une, en dépit de son titre, non seulement en vertu de cette confor-
mité matérielle aux vieilles règles dont nous parlions il y a quelques
instants, mais à cause de ces luttes toutes morales qui déchirent
l'âme de Severo et de Donna Pia, et en font deux grands caractères.
Gian-Battista Torelli, qui porte obstinément le deuil des libertés de
sa patrie, est une sorte de vieil Horace adouci par l'amour qu'il
porte à sa femme et à celui qu'il appelle son fils. Les personnages
secondaires, assez nombreux, comme dans toutes les pièces modernes
qui prétendent à la réalité du cadre historique, sont bien esquissés.
Quelques-uns ont une vive et poétique physionomie, comme le
jeune orfèvre Sandrine», qui ne travaille, que pour les patriotes et
refuse l'or des Florentins.
   Quelques épisodes pourraient être retranchés. La scène du ser-
ment sur l'hostie, en pleine rue, choque la vraisemblance, et, en
plein théâtre, éveille des susceptibilités que l'auteur aurait pu
prévoir. 11 était si facile de l'encadrer dans un récit. L'amour
que Portia, la maîtresse de Spinola, éprouve pour Severo Torelli,
est une pure superfétation, ne sert en rien à l'action, ne met
en meilleure lumière aucun des sentiments qui agitent le cœur du
jeune homme. On pouvait faire l'économie de cet épisode. C'est
l'écueil du drame de multiplier les incidents inutiles, sous le faux
prétexte de faire de la couleur locale. Spinola devient trop grand
dans la scène finale du meurtre. Dans ce soldat, qui oppose intrépi-
dement à son meurtrier sa poitrine qu'il découvre, on ne retrouve
pas le tyran que les quatre premiers actes ont chargé d'opprobres.
On peut dire enfin que Pise et sa liberté disparaissent de plus en