page suivante »
LA VIE ET LES OPINIONS DE CHRISTOPHLE DE GAMON 3 51 supériorité de son esprit, car rien n'indique mieux cette supériorité que la largeur des vues politiques et la modération qui lui est inhé- rente. L'esprit humain, essentiellement borné, ne voit le plus sou- vent qu'un côté des choses. Là -dessus, pour nous servir d'une expression vulgaire, il s'emballe ; il raisonne à fond de train sur ce qu'il voit, sans être gêné et rectifié par le reste qu'il ne soupçonne pas. De là , une source abondante d'erreurs et de folies. Mais de là aussi une sorte de division du travail providentielle, laquelle est la conséquence de cette impuissance de l'esprit humain à embrasser, nous ne disons pas la vérité absolue, mais un grand ensemble de faits. A vrai dire, presque tous les hommes politiques, c'est-à -dire les hommes d'action, sont des emballés. Ne voyant qu'un côté des choses, qui le besoin d'ordre, qui le besoin de liberté, ils vont droit devant eux, comme le cheval à qui les œillères dérobent la vue des précipices. Ils sont plus ou moins absolus, parce qu'ils n'aperçoivent pas les nécessités complexes que crée la coexistence de faits dont chacun exerce une influence sur la vie sociale. Ceux qui voient mieux et plus loin sont des philosophes, qui jugent la politique mieux qu'ils ne la font, et dont l'action consiste à éclairer et à tem- pérer les autres, quand les circonstances le permettent. A. MAZON. {A suivre.)