page suivante »
242 LA REVUE LYONNAISE adolescent un penchant qui lui rappelle les premiers battements de son cœur, quand il était encore pur, quand une passion ingénue pou- vait encore le faire vibrer. C'est une lueur fugitive, mais elle ramène une sorte de sérénité dans cette âme blasée, ennuyée de ses vices et dédaigneuse de ses propres succès. Mais en y ramenant une émotion vraie au lieu des attendrissements factices de la courtisane, elle y ramène aussi un éclair de vertu. Silvia éloigne d'elle ce pauvre adolescent qui irait se corrompre dans son entourage. Le jeune artiste disparaît, comme un papillon qui a failli se brûler à une lampe fatale et qui, sauvé du péril, rentre et se perd dans l'obscurité de la nuit. Silvia, un instant attendrie, essuyera ses larmes et reprendra sa vie passée. Il n'y a pas de dénouement : nous ne savons ce qu'il adviendra de ces deux âmes. Nous avons simplement fait comme elles; nous avons goûté une impression douce, mais fugitive. Je préfère cependant le Passant au petit drame plus fortement noué et intitulé Deux Douleurs. C'est une idée ingénieuse et faite pour produire à la lecture un véritable effet, que de mettre en pré- sence, dans la chambre vide d'un poète enlevé à la fleur de l'âge, la fiancée oubliée, délaissée, à laquelle il avait inspiré une passion noble et pure, et la femme du monde, la femme égarée, malheureuse, qui avait trahi pour lui ses devoirs d'épouse et de mère, qui souffrait de l'entraîner à l'abîme, mais qui s'y précipitait avec lui; qui avait dominé son cœur au point d'y empêcher toute manifestation de l'ancien amour, mais pas assez pour y étouffer le remords. C'est aussi une inspiration heureuse que de donner à la fiancée une âme supérieure à la rancune; que de lui faire généreusement réprimer l'explosion de haine qui éclate en présence de sa rivale. Elle finit par s'attendrir sur les tortures qui accompagnent ces affections ina- vouables, et pardonne, au nom d'un même souvenir et d'une même douleur, à celle qui a du moins le mérite d'avoir profondé- ment aimé celui qu'elle-même chérissait. Mais est-il juste de trans- former en une sorte d'union intime ce qui ne peut être qu'un traité de paix et un acte de clémence ? J'ai entendu dire que ces Deux douleurs avaient laissé le public assez froid et n'avaient que médio- crement réussi à la scène. Le public de nos jours, si gâté qu'il soit