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LA VIE ET LES OPINIONS DE CHRISTOPHLE DE GAMON 335 qui, du reste, n'arriva pas aux Gamon, du moins aux petits-fils de Mondon, malgré leurs brillants mariages, puisque nous avons vu deux Christophle condamnés en 1698 comme usurpateurs de titres de noblesse. Christophle de Gamon mourut à Annonay, en 1621. Cette date est donnée par Colletet et par M. Duret. On ne saurait rien de plus sur la vie de notre poète, si lui-même, dans son second chant de la Semaine, en justifiant les comètes de l'accusation de maligne influence portée contre elles par du Bartas, n'avait cédé à la tentation fort naturelle de donner au public un aperçu des malheurs de sa vie. Voici ce passage, qui forme évidem- ment la source unique où les rares biographes du poète ont puisé. Et moy-mesme, pendant Que de ces maux nouveaux je traçois l'accident, N'en ay-je point souffert? Quelles flèches recelle Dans son maudit carquois la Fortune cruelle, Quels orages mutins à puissants bataillons Tient-elle es antres creux de ses fiers tourbillons, Quel mortel aconit portent ses mains despites Dans le fond plus amer de ses boîtes maudites, Quelles gresles peut-elle eslancer de fureur Des nuages plus noirs de sa cruelle horreur, Dont je n'aye esprouvé, d'une atteinte trop vraye, La tempeste, le fiel, la bourrasque, la playe ? Ha! pertes de fortune, ha ! soucis trop cuisants, Ha! trop soudaine mort des auteurs de mes ans, Me laissant un procez, misérable apanage, Vous en estes un seur mais fascheux témoignage. Comment est-ce, ô vray Dieu, que tant d'estonnement, Tant d'assidu travail, tant de cruel tourment, Tant de tort, tant de mal, tant de mélancolie, Minant mon faible corps, n'a terminé ma vie? Comment, las ! accablé de malheur sus malheur, Bastiroy-je, robuste, oncques des vers d'honneur ? Comment, ne pouvant point nombrer tous mes encombres, Puis-je mesme adjouster les paroles aux nombres? Aussi combien de fois ont mes plaints désolez Importuné de crys les lieux plus reculez ?