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FRANÇOIS COPPEE ET SES ŒUVRES 253 image, tant son jeune frère Samuel lui ressemble. Samuel, au nom de son frère, mort en Amérique après une longue suite d'épreuves, rap- porte ce psautier, et rend ainsi à Madame de Maintenon une liberté que son cœur avait déjà prise. Mais ce n'est pas moins tout un passé qui se dresse devant elle, et son trouble n'a pu échapper aux enne- mis qui l'observent, et surtout à Louvois. L'âge du jeune Samuel, l'émotion que sa présence excite, l'intérêt passionné que la marquise lui porte, tout semble désigner en lui un fils. Le siège de Louvois est tout fait; s'il force son ennemie à confesser une faute, à recon- naître un enfant, le roi désabusé renverra avec ignominie celle dont il allait faire sa femme, Tout paraît le servir : le jeune Samuel est impliqué dans un complot protestant ; il est condamné à mort ; un cri de douleur s'échappe, en présence du roi, de la poitrine de la marquise, quand elle apprend que son protégé est destiné au sup- plice. Dès lors le roi jaloux fait de cette mort la condition de son mariage. Il signe la grâce ; mais Madame de Maintenon doit prouver, en n'en faisant pas usage, que ce jeune condamné n'est pas son fils. La marquise passe outre cependant et porte sa grâce à Samuel ; mais le jeune huguenot la déchire, et rejoint volontairement ses compa- gnons de supplice. Louvois est vaincu, et Madame de Maintenon devient la femme du grand roi. Voilà donc une trame ingénieusement disposée; les coups de théâtre se produisent naturellement. La lutte, comme en notre xviic siècle, est bien dans l'âme même des principaux personnages, et les incidents ne sont qu'une sorte de concordance des faits avec ce drame intérieur qui est la pièce véritable. Il y a quelques fort belles scènes. Le synode clandestin des huguenots dans les catacom- bes de Paris, la vigoureuse opposition que Samuel de Méran, au nom de la patrie, fait à un projet d'alliance des protestants avec le prince d'Orange, le contraste du sombre fanatisme des principaux chefs huguenots avec cette nature chevaleresque, dédaigneuse d'une vie qui n'a été jusqu'ici qu'une longue amertume, mais éprise de tout ce qui est noble et élevé, tout cela est d'un grand effet. Il y a un ressort dont le poète ne me semble pas avoir tiré parti. L'amour qu'Henriette d'Aubusson, la jeune huguenote catéchisée par Madame