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254                       LA REVUE LYONNAISE

de Maintenon, et plutôt poussée que conduite au catholicisme,
éprouve pour Samuel de Méran, et les rêves de bonheur de ces deux
jeunes gens pèsent vraiment trop peu dans la balance, surtout au
dénouement. Le protestant jaloux de prouver parle martyre qu'il
n'a pas trahi ses frères efface trop l'amant, et la douleur de l'amante
est vraiment trop muette. Le dénouement lui-même sert l'ambition
de Madame de Maintenon, comme un casuiste qui met au service
d'une cause louche une distinction opportune. La marquise a voulu
sauver Samuel de Méran et profite sans trop de regret de l'obstina-
tion du jeune huguenot. Elle semble dire comme le Félix de
Corneille :
              Puisqu'il aime à périr, je consens qu'il périsse.

   Mais on ne sait trop sur quel mouvement de son âme finit le
drame, et si le spectateur doit la plaindre ou l'accuser.
   Severo Torelli est un drame plus émouvant que Madame de Main-
tenon. Je devrais plutôt dire une tragédie; car l'unité de temps, que
ce soit par hasard ou de propos délibéré, y est rigoureusement
observée. La scène se passe dans les vingt-quatre heures; on peut
même démontrer que l'unité de lieu y est bien mieux respectée que
dans le Cid. Ce qui rappelle davantage les mélodrames modernes,
c'est le sujet lui-même. Il est bien de notre temps. Soit dans la
comédie, soit dans le drame véritable, soit dans ces œuvres hybrides
qui, sur les frontières de la comédie et du drame, ont la prétention
de faire vibrer toutes les fibres du cœur humain, sauf bien entendu
la bonne et franche gaîté de nos pères, il semble admis que l'intérêt
ne puisse être excité si le héros ou l'héroïne sont entrés dans le
monde par une porte régulière, ou si la conception dramatique laisse
intact l'honneur du foyer. Severo Torelli ne fait pas exception à ce
précepte du nouvel art poétique.
   Nous sommes à la fin du xve siècle, lorsque les Florentins, vain-
queurs des Pisans, font peser sur eux la plus dure des tyrannies. Le
gouverneur de Pise, Barnabo Spinola, dompte par la terreur et les
supplices la ville réduite en servitude. Vingt ans auparavant, au
 nombre des victimes vouées à l'échafaud, se trouvait un patricien,