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FRANÇOIS COPPEE ET SES ŒUVRES IJI lisme, et, tantôt par une simple effervescence de gaîté, tantôt par cette affectation de négligence qui rappelle les fameux trous du manteau d'Antisthènes, rehaussé les images les plus gracieuses ou les sentiments les plus délicats par la crudité d'un mot vulgaire ou d'une métaphore de faubourg, ( i ) Il s'en est assez vite corrigé. C'était la mode au temps de ses débuts. Quelques bons esprits, et même le sien, s'y sont laissés pren- dre. L'histoire des lettres a parfois d'étranges analogies avec celle du costume, et, là aussi, on regrette parfois que la coquetterie fasse emprisonner une figure gracieuse dans un ajustement de mauvais goût. En 1830, on ne pouvait être assez éthéré; les plus hautes étoiles étaient la demeure tout indiquée des plus humbles poètes. Nous avons changé tout cela. Laissons les astres, et à l'harmonie des sphères substituons les clapotements de l'eau bourbeuse qui tournoie dans le ruisseau. Quand on ne peut faire mieux que n'ont fait les grands maîtres, on fait autrement. C'est toujours une satisfaction, sinon une preuve de génie. Le réel n'est-il pas d'ailleurs plus démocratique, et la démocratie n'est-elle pas le dernier mot de toute chose en notre siècle? Entre le terme choisi du salon et le gros mot du cabaret, c'est le cabaret qui doit avoir la préférence. N'excluons pas même la pruderie; ce mot rappellerait les Précieuses et sent son ancien régime. La formule a été trouvée par un des maîtres du pays sinon par un maître des bonnes lettres : « L'ère des bégueuleries est passée. » J'en suis fâché pour la nouvelle école ; mais elle n'a ni gagné le pari qu'elle engageait si bruyamment contre la délicatesse tradition- nelle de notre langue, ni même tenu ce que promettaient ses audaces de début. En même temps qu'elle affectait de ne rejeter aucun mot trivial, et qu'elle multipliait dans les œuvres de ses jeunes poètes ces vers sans césure où les deux hémistiches s'entremêlent comme pour faire frémir l'ombre de Boileau, ne professait-elle pas pour la (1) Je cite, en note seulement, le texte complet : Les adieux que les nids font au soleil couchant, B) ail pareil à celui à 'une immense friture,