Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
i66                          LA REVUE LYONNAISE

le peuple, ( r ) Il est parfaitement exact qu'on peut faire dans Paris
maint voyage de découvertes, sans compter un voyage au long
cours, dont je me suis moi-même plus d'une fois donné le plaisir,
en allant, un dimanche, le long des boulevards, de la Bastille à la
Madeleine, et en observant les foules si bigarrées, les populations si
mêlées qu'on traverse; voyage d'où l'on revient, comme l'Ulysse
d'Homère, en constatant, non sans amour-propre, qu'on a vu beau-
coup de cités et beaucoup de gens. Citons enfin les retours émus
aux souvenirs d'enfance, le petit tableau de l'humble intérieur où
le poète a grandi. (2) Il y évoque ses parents, qui, le cœur plus haut
 que leur modeste fortune, savaient encore faire ces générosités dont
 les économies quotidiennes centuplent le mérite; vraies munifi-
 cences de gentilhomme pauvre, comme il l'insinue en une phrase
 charmante, et que ne liront pas sans attendrissement tous ceux qui,
  dans l'histoire de leur enfance, retrouvent aussi les sacrifices et les
  privations d'un père.
     La province a sa part, un peu maigre; elle ne peut cependant se
  prétendre deshéritée, n'eût-elle à revendiquer que le récit des Vices
  du capitaine. Dans un petit chef-lieu de canton, qu'il n'a pas revu
  depuis qu'il s'est engagé, revient le capitaine Mercadier, après trente-
  six ans de service, vingt-deux campagnes, trois blessures; capitaine
  et décoré, malgré les fautes sans nombre de sa jeunesse, parce que sa
  bravoure au feu a fini par blanchir sa feuille de punitions. En dehors
  des émotions des jours de bataille, le café, la pipe, la boisson ont
  rempli ou plutôt abêti son existence ; mais il se relève quand il parle
  de cette Algérie où s'est passée sa vie et où il a conquis ses grades.
  Rentré au pays, n'y retrouvant plus ni parents ni amis, il a naturelle-
  ment le café pour asile, les cartes et la bouteille pour idéal, les bu-
  veurs et les joueurs pour compagnons. Une seule fois par semaine,
  le lundi, jour du marché, les marchands de grains et de bestiaux
  l'exilent du café qu'ils remplissent, et il erre comme une âme en
  peine, promenant son ennui de la rue qu'il déteste à sa chambre

      (1) La robe blanche.
      (2) Maman Nmut,