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                    FRANÇOIS COPPÙK ]ÎT SF.S ŒUVRES                   167

envahie par la poussière et les toiles d'araignée. C'est un de ces
lundis qu'il rencontre dans la rue Pierrette, une pauvre orpheline de
neuf ans, servante de basse-cour, affligée d'une jambe de bois ; car à
cinq ans un coup de pied de vache l'a rendue infirme. Invalide et
orpheline à neuf ans, s'est dit le capitaine, ce n'est pas réglemen-
taire. L'idée lui vient de faire de la pauvrette ce brasseur qui lui
manque depuis qu'il a quitté le régiment, et de lui faire préparer un
petit ordinaire de campagne qui remplacerait la table du café où l'on
ébrèche trop sa pension de retraité. Affaire conclue, Pierrette entre
chez lui, l'intéresse. Il entreprend son éducation, se corrige pour
ne pas lui donner de trop mauvais exemples, économise afin de
pourvoir aux besoins de cet intérieur dont le goût tardif s'éveille, et
le café reçoit des visites de plus en plus rares.

    « Aujourd'hui, c'est fini, La rencontre d'un enfant a sauvé cet
«   homme d'une vieillesse ignominieuse. Il a substitué à ses vieux
«   vices une jeune passion; il adore ce petit être infirme qui sautille
«   autour de lui, dans la chambre commode et bien ameublée
    « Aussi voilà qu'il est presqu'avare; il thésaurise; il veut se sevrer
«   de tabac, bien que Pierrette lui bourre sa pipe et la lui allume. Il
«   compte épargner sur son faible revenu de quoi acheter plus tard
«   un fonds de mercerie. C'est là que, lorsqu'il sera mort, elle vivra
«   obscure et paisible, gardant accrochée quelque part, dans l'arrière-
«   boutique, une vieille croix d'honneur qui la fera se souvenir du
«   capitaine.
    « Tous les jours il va se promener avec elle sur le rempart.
«   Quelquefois passent par là des gens étrangers à la ville, qui jettent
«   un regard de compassion surprise sur ce vieux soldat épargné par
«   la guerre et sur cette pauvre enfant estropiée ; et alors il se sent
«   attendrir, — oh! délicieusement, jusqu'aux larmes, — quand un
«   de ces passants murmure en s'éloignant :
    « Pauvre père! sa fille est pourtant jolie ! »

  Le conte ne finit-il pas sur uue scène charmante? Pourtant il me
semble qu'il ouvre encore d'autres horizons. Si j'avais l'outrecui-
dance de la jeunesse qui ne doute de rien, j'y ajouterais l'alinéa