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LES AGENCES MATRIMONIALES 559 désirez vous-même ; le jour où vous la rencontrerez, cette âme, sœur de la vôtre, — si jamais ce jour luit pour vous ! — un bonheur immense, infini, remplira tout à coup votre existence. La difficulté consiste donc à se reconnaître et à se retrouver dans cet immense jeu de colin-maillard qui s'étend sur un espace de plus de 50 millions de kilomètres carrés; or, le colin-maillard conjugal (je ne prétends parler que de celui-là ) est fertile en surprises de toutes sortes : combien s'aperçoivent, hélas ! — et cela toujours trop tôt, — que l'objet qu'ils tiennent entre les bras n'est pas celui qu'ils avaient rêvé. Partant de ce principe que l'Amour est aveugle, les Grecs avaient déjà songé à utiliser cette cécité au point de vue matrimonial. A Lacédémone, on enfermait jeunes gens et jeunes filles dans une pièce obscure où il était absolument impossible de distinguer les minois agréables de ceux qui ne l'étaient pas. Les uns et les autres se cherchaient à tâtons : chaque garçon était tenu d'épouser celle qu'il avait saisie au hasard. Ce petit divertissement n'allait pas sans quelques incon- vénients : l'Histoire, — impartiale etsévère, — a conservé le nom d'un certain Lysandre qui fut condamné à une forte amende pour avoir répudié le laideron qui lui était échu en partage. Il est profondément regrettable que la statistique, — cette science à laquelle nous devons de si douces joies, — ait été si peu en honneur au temps d'Agamemnon. Peut- être nous apprendrait-elle que les mariages à l'aveuglette étaient plus favorisés que les nôtres et qu'ils donnaient, — au point de vue de la félicité mutuelle, — une évaluation supérieure à celle de Daniel Stern.