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LETTRES DE L ' É C O L E NORMALE 3 99 trois mois et tu ne te promèneras plus seul : nous serons ensemble, nous irons faire ensemble de longues courses, nous lirons ensemble!... quelle perspective! Cependant je suis loin d'être mécontent de l'Ecole Normale; toute ma peur est d'en sortir plus tôt que je ne voudrais. Pendant les premiers mois de l'année je m'en- nuyais réellement, et la raison en est simple, ma séparation de vous m'avait tout à fait troublé, et je n'avais pas la force de travailler. Mais depuis, j'ai pris mon grand courage, je me suis mis à travailler réellement, et alors le temps a passé bien vite. Je ne vois réellement pas passer les semaines. Il y a quinze jours qu'on se battait ici ; et je ne me suis pas aperçu de leur fuite. Cependant j'ai fait bien des choses depuis lors. Ce n'est que de cette année, mon cher ami, que je comprends ce que c'est qu'employer son temps. Je fais beaucoup d'anglais ; trois fois par semaine pendant le déjeuner, Lorenti, un autre élève et moi, nous lisons Ivanhoêde Walter-Scott; nous sommes arrivés à comprendre tout sans regarder le livre, pendantqu'un seul lit à haute voix. En outre, nous avons un cours où nous voyons Shakespeare. Chacun de nous fait l'analyse d'une pièce, l'expose, et ensuite nous lisons ensemble les plus beaux morceaux, j'en ai déjà fait deux. Ainsi, dans un mois, nous connaîtrons tout ce qu'il y a de remarquable dans Shakespeare. Nous faisons de grands pro- jets, et peut-être l'année prochaine c'est moi qui serai profes- seur, parce quel'élève qui fait le cours maintenant finit sa troi- sième année. Ces vacances, nous en ferons ensemble. Mais fais-en un peu maintenant, je te prie ; dans ta solitude cela peut devenir pour toi une occupation charmante ; je crois que tu ne devrais pas mettre tout à fait Lord Byron de côté ; sans doute tu auras de la difficulté à le comprendre, mais aussi il t'apprendra beaucoup de mots que tu ne trouverais