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254                   BERNARD SALOMON

par la nature de son esprit, des qualités qui lui sont
personnelles, la science, l'exactitude et la noblesse ( i ) .
Nous montrerons que Bernard Salomon a toujours été
autre. Les ressemblances entre ces deux maîtres sont
plus apparentes que réelles. Dans la comparaison qu'on
voudrait faire entre eux, l'avantage appartiendrait à Jean
Cousin, si l'on ne considérait que l'art, mais le petit
Bernard a été sans rival dans la carrière qu'il a suivie,
et, quoique à l'actif de Cousin on ait ajouté ces figures
du Livre de la Fortune (2) qui l'ont encore grandi, aucune
atteinte n'a été portée à l'originalité de Salomon. Celui-
ci a eu surtout l'initiative, l'initiative du parti pris de
la décoration abondante du livre à laquelle il s'est tenu
principalement. Il ne devait ni à l'habitude ni au per-
fectionnement les qualités de son esprit, et « la déli-
catesse », qui en est une des principales, était, chez
lui, comme le dit Pascal, « un don de nature et non
pas une acquisition de l'art. » Il en était de môme
de sa fécondité singulière.
  Les deux maîtres ont eu chacun une conception presque
opposée de l'ornementation par le dessin sur le bois.
Autant Jean Cousin est correct, élevé et sévère, autant
Bernard Salomon est facile, spirituel, un peu libre et
efféminé. Le premier contient et règle toujours la mar-
che de son crayon, le second s'abandonne à son
humeur. On a pu dire de lui que c'était un artiste


  (1) La science des raccourcis, l'exactitude de la perspective, la
perfection des lignes.
  (2) Bibliothèque de l'Institut. Liber Fortuna centum embletnala,
et symbola centum continens, 1568. (Ludovic Lalanne en a donné
une édition en 1883.)