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UN ANGLAIS QUI PENSAIT PROFONDEMENT. 411 dis que vous n'avez d'autre cbance d'y parvenir, vivant ou mort, qu'autant que la tourmente consentira à vous y transporter elle- même, ce qui est d'autant moins probable, qu'elle souffle, pour le quart d'heure, en sens diamétralement contraire. » L'Anglais s'était retourné : — Parier, vô? répondit-il. —Parier, moi ?... Parbleu ! l'originalité du fait en vaut la peine : un pari en règle, je suis votre homme. M. Jobsthon, à ces mots, parut ne pas se sentir de joie. Il re- vint rapidement sur ses pas, et tendant la main à l'officier : — Voilà le main de moâ pour le acceptance ! vingt-cinq livres sterling ! — Je tiens le pari, noble insulaire, répartit le sous-lieutenant, sauf l'enjeu que je propose de modifier : Le vainqueur aura pour gain la gloire d'avoir vaincu, et le perdant devra, en outre, arro- ser cette gloire de Champagne à discrétion et d'un punch en l'honneur de l'Angleterre, si c'est aux bottes fortes de Savoie qu'il échoit d'en payer le tribut ; — en l'honneur de la France et de la Savoie, si c'est au parapluie de Birmingham qu'incombe cette charge. Acceptez-vous? — Je accepter, moâ. Nous fûmes naturellement appelés à être les juges de la lutte, et nous en réglâmes les conditions sous la présidence du père Mouton. En quelques minutes le bruit du pari eut rassemblé et les au- tres voyageurs de l'hôtel où nous étions descendus et le ban et l'arrière-ban des habitants du bourg. Le sous-lieutenant obtint facilement du maître de poste que les bottes fussent mises à sa disposition, et ses pieds plongèrent tout chaussés dans leurs vastes cavités. L'Anglais se fit lier au manche de son riflard au moyen de cour- roies fortement serrées. 11 fut stipulé que tous les deux partiraient d'un même point à un signal donné, et se dirigeraient par la ligne que bon leur sem- blerait vers une sommité désignée. Le premier qui atteindrait Je plateau de cette sommité aurait gagné le pari. L'un ne devait, sous aucun prétexte, se séparer de son parapluie ou le fermer ;