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LE PAGE DU BARON DES ADRETS. 339 nir jusqu'au donjon, et les canons auraient beau battre et ébrécher les tours que les assiégés n'en seraient pas moins hors d'atteinte, au milieu de leurs inexpugnables débris. Par une injustice dont l'humanité n'a jamais su se dé- fendre, les peuples et les armées n'adorent que la for- tune et ne prodiguent leur dévouement et leur amour qu'aux hommes qui sont constamment heureux. Qu'un souverain ou qu'un général réussisse, tout lui est permis, fout lui est pardonné; qu'un obstacle se dresse, qu'un revers survienne, l'enthousiasme s'éteint, la méfiance naît, les murmures se font entendre et, avec un peuple mécontent et une armée découragée, il est bien difficile, même à un héros, de faire de grandes choses. Montbrun, l'habile capitaine, avait trop l'habitude des camps pour ne pas s'apercevoir du refroidissement de l'armée. Les soldats avaient jugé la place imprenable et ils se demandaient à quoi servait de poursuivre un siège qui ne devait amener aucun résultat ? Le bruit courait que les richesses que les catholiques avaient enfermées dans la ville n'étaient pas aussi considérables qu'on le pensait. D'ailleurs, il ne paraissait pas possible de les prendre; cette expédition devant une place aussi forte n'était qu'un piège tendu par le baron des Adrets pour se débarrasser d'un rival. L'ambition de Montbrun était connue, ses talents militaires le plaçaient haut dans l'es-