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252                         BIBLIOGRAPHIE.

poètes ; on admirera aussi M. de Laprade dans l'expression
d'un sentiment tout opposé; mais on fera plus : on l'aimera.
   L'action de Pernetle se passe de nos jours, ou presque
de nos jours, sous le premier empire, à ces moments
terribles de l'invasion, quand la France succombant sous
le poids des fautes de Napoléon encore plus que sous le
nombre de ses ennemis, dut faire une première fois le
compte de ce que lui coûtaient le despotisme de cet
homme et ses fantaisies insatiables. Les personnages
sont peu nombreux : Pierre et Pernette, le curé, le doc-
teur, le père de Pernette et la mère de Pierre. Voilà tout.
Chacun d'eux a sa physionomie distincte et sobrement
dessinée. Le curé est de race noble, grave et prudent.
Le docteur représente la bourgeoisie; il est vif et railleur.
Les parents des deux fiancés sont de simples paysans.
Voilà toute la France en petit. Chacun d'eux a son ca-
ractère, et son langage même ; mais ils ont tous la même
âme, je veux dire, ils sont tous bons. Quoi, dira-t-on, pas
le moindre loup dans cette bergerie? Il est au dehors.
Le monstre dévorant, le carnassier ne se voit pas, mais on
le sent. Quoique absent de ce cadre restreint, il y est pré-
sent par la terreur et le mal qu'il cause. Son ombre plane
sur ce coin désolé comme celle de l'aigle sur un nid dans
le sillon. Le poète a des accents amers pour peindre.
      L'homme, l'homme fatal qui nous fît tous ces maux...

  Le grand homme est assez malmené. Ce n'est plus le
couplet adulateur de Béranger, l'ode enthousiaste de Victor
Hugo, ni même la strophe déjà sévère et clairvoyante de
Lamartine ; c'est la note prolongée des ïambes, la malé-
diction enflammée de l'Idole, c'est la clameur des mères
désespérées, le cri vengeur de l'humanité et de la justice
passant enfin dans la poésie pour y rester.
  Ecoutons le poète faisant parler le docteur :
      Tu suis bien qui nous vaut celle honte et ce deuil,
      Quoi est l'homme enivré de sang et fou d'orgueil,