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        UN ANGLAIS QUI PENSAIT PROFONDÉMENT




   En ce temps-là , Louis-Philippe Ier était roi des Français ;
 Charles-Albert était roi de Sardaigne, de Chypre et de Jérusalem,
 duc de Savoie, de Montferrat et de Gênes, prince de Piémont,
 etc. — M. Mirés n'était rien, M. Millaud pas davantage. Il n'y
avait qu'un seul chemin de fer en France, celui de Saint-Etienne.
— La France s'en flattait peu, les actionnaires s'en flattaient en-
 core moins. O tempora ! ô Mirés !
   Dans les Etats de Sa Majesté sarde, les chemins de fer n'é-
taient connus que par les récits des voyageurs ; ces récits même
n'étaient acceptés qu'avec une sage réserve et sous bénéfice d'in-
ventaire.
   Ceci m'amène à placer ici une observation que j'ose signaler à
l'attention de l'Académie des sciences morales et politiques. Cette
observation tendrait à prouver que l'homme, ce mammifère de
l'ordre des primates, famille des bimanes, caractérisé taxinomi-
quement par une peau à duvet ou à poils rares, — pour parler
la langue savante de M. Littré, —peut satisfaire les instincts al-
truistes, qui, selon le même académicien, en font un animal es-
 sentiellement sociable, et, arriver à un certain développement
intellectuel et même à une certaine mesure de bien-être, sans
chemin de fer et sans constitution; proposition hardie, il est
vrai, mais qui n'est peut-être pas insoutenable, si l'on en croit
les contemporains de l'âge dont nous parlions tout-à-1'heure.
Ces survivants de plus en plus rares d'une époque bien près au-
jourd'hui de se confondre, dans la nuit des temps , avec celle
des mastodontes, affirment, en effet, que les sujets de Sa Majesté
le roi de Sardaigne, lesquels ne possédaient alors ni voies|fer-
rées, ni droits réunis, ni statuto, gardaient leur argent dans