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que la grande machine administrative n'a su que décréter,
et que dans chaque province il se rencontrera nn homme
de goût et de loisir, un poète, pour entreprendre cette œu-
vre pieuse et vraiment patriotique, comme M. Buchon l'a
déjà fait pour la Franche-Comté. Notre Jura figurera avec
honneur dans ce concours de poésie. Comme tous les pays
de montagnes, il possède de vrais trésors de chansons po-
pulaires.
   Pourquoi ne pas le dire, puisque l'occasion s'en pré-
sente ? En France, tous les arts, et la poésie principale-
ment, n'occupent qu'une portion très-minime de la na-
tion, une élite, si l'on veut. Les poètes chantent par-dessus
la tête du peuple et n'en ont nul souci, un seul est des-
cendu un moment dans ces couches profondes, Béranger.
    Ce n'est pas le moment d'examiner si la poésie et la
politique y ont gagné. Je dirai seulement que l'esprit de
 parti l'avait porté là, et qu'un autre souffle l'en a chassé.
Faut-il le regretter? Il n'était pas entré par la bonne porte,
 ou, du moins, il avait laissé au seuil le meilleur de son ba-
gage, la partie vraiment poétique de son oeuvre, pour ne
 faire entrer avec lui dans la chaumière ou le cabaret que
 le chauvinisme et la gaudriole, ces deux formes inférieures
 du patriotisme et de la gaîté.
    Ce n'est pas ainsi que la poésie est et devient populaire
 chez nos voisins les Allemands. Les Volkslieder sont
 aussi connus et aimés des salons que de la campagne. Les
 poètes s'en inspirent, y mettent le sceau de l'art ou de leur
 inspiratiou individuelle ; et ces lieders, portés partout sur
 les ailes de la musique, retournent au peuple dont ils sont
  sortis, comme les nuages s'élèvent de l'Océan pour y re-
  tomber en pluie après avoir fécondé la terre. Quand ver-
  rons-nous en France des paysans, des ouvriers chanter ou
  réciter nos poëtes, comme nous avons entendu en Alle-
  magne des hommes du peuple déclamant Schiller ou chan-
  tant Goethe et Heine ? Chez nous, en littérature —"comme
  en politique, hélas ! — il y a scission, solution de conti-