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LA QUEUE D'UN SINGE. G3
Justement un aide donnait au public l'explication des
bêtes. — La vue de cet homme me réjouit.
C'était, messeigneurs, une belle tête de Gascon !
haut de six pieds, mince comme une asperge, le crâne en
pain de sucre, les cheveux en broussaille, ruisselants de
pommade, le nez immense et busqué sur des lèvres fines,
trois poils de moustaches bien cirés, le geste ample, le
verbe inspiré, il déclamait, solennel, convaincu, magnifi-
que avec l'inimitable accent du terroir :
« Lé linx, autrement dit lé loup — cerbier — animal fé-
« roce et carnassier, — qu'il vit lé long des ribières et dans
« les afourets; sa férocité est si grande, comme ditnion-
« sieur de Buffon (à ce nom, l'orateur salue), qu'après avoir
« dévoré le troupeau, on l'a vu souvent manger le berger,
« sans épargner la vergère. »
— Rien que ça d'açpétit ! murmure un gône à côté de
moi. —
« Lé chacaillé dé l'Algérie, — animal féroce et carnas-
« sier, qu'il vit dans les afourets et lé long des ribières,
« ousqu'il apaise sa faim dé toute ordure et même de n'im-
« porte quoi. U n e craint pas, comme d i t M . d e Buffon
« (nouveau salut), de souiller l'asile dé la mort, et il pousse
« là le le toupet, jusqu'à déterrer les cadabres
« humains pour calmer sa rage inassouvie.
— Pas dégoûté ! fait le gône.
« Le condor du Chili, — oiseau féroce et carnassier (je
« trouve que ce condor ressemble à un d i n d o n . . . . enfin) !
« Le condor, qu'il vole habituellement à cinq cent mille
« pieds au-dessus de l'atmosphère des nuages , d'ousqu'il
« fond sur les taureaux, les enfants, les chevaux, les élé-
« phants et même les chrétiens. »
— Dites-donc, monsieur, dit le gône , est-ce qui mange
aussi les Turcs !
Le Gascon foudroie le gamin du regard et poursuit :
« Le lion du Sahara, autrement le roi de la création,
« d'après M. Buffon. »