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54                           BIBLIOGRAPHIE.

un livre de longue haleine. Sa forme est unie, et n'affecte d'autres
qualités que la précision du tour, la propriété, l'exactitude des
termes. Mais il s'élève avec sa pensée ; il sait, quand il convient,
] a frapper avec force, ou saisir ces nuances délicates qui en
marquent la mesure et dont seule peut disposer une plume sûre
 d'elle-même, puis il reprend aussitôt son allure uniforme qui
 repose le lecteur. Parmi plusieurs pages qui pourraient faire à
 M. Pignot une réputation d'écrivain, j'en citerai une à peu près
 au hasard. 11 s'agit de l'enfance de saint Odon ; c'est une curieuse
 peinture de la vie féodale et prise sur le vif :

    On sait quelle était la passion des seigneurs féodaux pour la chasse,
passion particulière aux races du Nord et si généralement répandue que
les ecclésiastiques même avaient peine à s'en défendre. Recueillir des
 différents pays de l'Europe toutes sortes de chiens, vautraits, lévriers,
braques, bassets; les dresser chacun à la poursuite du gibier auquel ils
étaient propres, étudier leurs habitudes afin d'en tiror le meilleur parti
 possible, veiller à la préparation de leurs aliments, au soin de leur chenil,
 à la guérison de leurs maladies ; se lever au milieu des nuits et passer de
 longues journées dans les montagnes à courir le sanglier, le cerf, le bouc
 sauvage; rester des mois entiers presque sans prendre de sommeil et de
 repos à ces grandes chasses d'automne organisées entre seigneurs sur de
 vastes espaces, telles étaient ea partie les occupations de la véuerie. L'oi-
 sellerie consistait à dresser l'aigle, le faucon, l'autour à la poursuite de
 haut et bas vol, à les lancer avec adresse sur leur proie. On y mettait d'au-
 tant plus d'importance que les femmes elles-mêmes s'en servaient et pre-
 naient part ainsi aux plaisirs de la chasse. Tous ces soins étaient l'objet
 d'une science pratique qui la première était enseignée aux jeunes nobles
 à la cour des seigneurs. Indépendamment de l'attrait qu'ils offraient par
 eux-mêmes, ces exercices les habituaient à la fatigue, aux intempéries, aux
 privations, aux dangers ; ils étaient comme une image affaiblie de la guerre.
 Le jeune Odon, 'élevé dans la solitude et la piété, doué d'un esprit réfléchi
 et replié sur lui-même, se lassa bientôt de ces occupations tumultueuses, de
 ces courses effrénées à travers les bois, les précipices, les fleuves, du sang
 des bêtes fauves éventrées devant les chiens, de ces repas abondants qui
signalaient la fin de ces expéditions, des excès et des querelles qui en
 étaient fréquemment la suite, du bruit dont les compagnons, les valets et
les cRicns remplissaient la sombre habitation du duc Guillaume. Il y av»i*