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                              BIBLIOGRAPHIE.                               49
   Combien plus large et plus humaine nous apparaît la doctrine
de Pierre-le-"Vénérab!e, doctrine de tolérance et de véritable
philosophie pratique dans lès choses laissées à l'appréciation
des hommes. La théorie de saint Bernard, il l'a combattue avec
l'autorité de la raison et de l'expérience qui repoussent tout ce
qui est excessif. Ses réponses nous frappent comme l'expression
même de la sagesse et du bon sens. En voulant placer trop
haut l'idéaï de la perfection monastique, on la rend, dit-il, tout
simplement impossible. Ces austérités exagérées rebutent la
plupart des moines, détruisent leur santé, les obligent à rentrer
dans le monde. ISe voit-on pas que ces aspirations au renonce-
ment absolu ne sont, au fond, qu'une suggestion de l'orgueil !
La richesse, contre laquelle on lance tant ofanathèmes, n'est pas
une chose mauvaise en soi, lorsqu'elle est acquise légitimement
et qu'on en use dans un esprit de modération et de charité.
Entre autres raisons par lesquelles il justifie la propriété mo-
nastique, Pierre-le-Vénérable donne celle-ci, qui a le mérite
d'être un tableau d'une triste réalité de la condition des serfs :

   « Les religieux, dit-il, se servent de la propriété dans un but tout reli-
gieux. Un château leur est-il donné, il n'en sort plus des soldats armés
qui portent la guerre dans le voisinage, mais des moines qui livrent la
guerre au mal avec les armes spirituelles. Une caverne de brigands se trouve
convertie à l'instant en une maison de prières. Quelle est la conduite des
séculiers à l'égard, de leurs serfs ? Us s'approprient sans miséricorde leurs
biens et leurs personnes ; ils les accablent, au gré de leurs caprices, de
redevances illégitimes. Souvent ils les forcent par des exactions insuppor-
tables à déserter leurs terres et à chercher ailleurs un refuge. Et, ce qui
est le comble de la perversité, ils trafiquent honteusement de ces âmes
rachetées par le sang du Christ et les vendent à prix d'argent. Combien est
différente la conduite des moines vis-à-vis de leurs sujets ! Us ne deman-
dent que les services convenus et indispensables. Loin de leur infliger des
vexations, ils viennent à leur aide quand ils sont, dans le besoin ; ils ne les
regardent pas comme des serfs et des serves, mais comme des frères et
des sœurs..,.. »

  Le plus terrible argument de saint Bernard est celui qui fait
contraster le luxe des églises avec la nudité des pauvres ; argu-
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